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PATRICE
Vendredi, 25 Novembre 2022
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Fanfonne (3)…
 
« Les années 1964 et 1965 ponctuent avec « Villaret », « Gus » et « Vincent » l’histoire de la marque par une nouvelle victoire au Trident d’Or à Quissac.
 
Le cocardier «Galapian» est élu Biòu d’Or en 1968. Malgré son humilité, La Grande Dame n’a jamais repoussé les témoignages d’admiration. Son plus cher désir ? Les partager avec sa manade. La consécration de « Galapian » réalise ce souhait. L’élevage est projeté au rang des grands crus.
 
En cette fin des années 1960, les longues chevauchées ne se comptent plus que sur les doigts de la main. Ce n’est plus le temps où Prince était sellé dès la pointe du jour sans interruption jusqu’à la nuit tombée. Le temps n’avait plus d’espace et il arrivait à Fanfonne de chevaucher plus de vingt-quatre heures sans mettre le pied à terre.
 
Si la forme a changé, la passion demeure intacte.
 
Levée aux premières lueurs de l’aube, elle gagne, en voiture avec Armand, les plaines de la Crau où est implanté le mas de Lansac lieu d’hivernage de la manade aux couleurs Azur et Or, depuis plusieurs années. Cet été de 1969, la victoire est encore au rendez-vous avec « Pinard », « Eros » et « Tamarisso» qui décrochent le troisième Trident d’Or.
 
1972 conforte la manadière d’Aimargues dans son image légendaire. Ses Biòu foulent les grandes pistes. Sa royale affiche des noms prestigieux qui forment l’un des groupes de cocardiers les plus homogènes du moment :
 
« Saint Omer »-« Ourrias »-« Tamarisso »-« Tegel »- « Vivar »-« Estépous »
 
La renommée de Mademoiselle Fanfonne a dépassé le cadre national et son abondant courrier lui vaut parfois des lettres d’outre-Atlantique. Au mas, elle reçoit en toute simplicité, la visite d’une journaliste venue spécialement des Etats-Unis pour la connaître et lui parler.
 
Un reportage à la télévision américaine sur ce personnage hors du commun l’a rendu admiratrice inconditionnelle. Un jour, une lettre datée de Belgique lui parvient à l’adresse suivante : « Mademoiselle Fanfonne au bon soin des Saintes-Maries de la Mer. France. »
 
1975 est l’année de son 80ème anniversaire. Fanfonne présente une royale très étoffée qui court le 31 mars à Mouriès. Elle est composée de « Fangous »  « Estepous »  « Tamarisso »  « Escogriffe »  « Tegel »  et  « Desgressaire ».
 
Le 5 octobre, c’est l’heure de vérité. « Tegel » remporte le premier diplôme d’or de l’Afecioun en Arles, « Vidourle » est désigné Taureau de l’Avenir à Beaucaire.
 
En cette fin des années 1970, le nouveau porte-drapeau de la devise semble s’affirmer avec le nom de « Segren ». Ses premières prestations ont été remarquées et très appréciées des afeciounado. Son beau port de tête, couronné des longues cornes effilées, parfaitement symétriques, lui donne un aspect royal.
 
Le 6 juillet 1981, dans l’amphithéâtre d’Arles, Segren remporte la 50ème Cocarde d’Or. Le public enthousiaste scande le nom de la manadière. Lors de la remise des prix, Jacques, ému, vient cueillir la récompense qu’il s’empresse d’apporter à sa pélote restée sur les gradins. L’émotion paralyse un instant le public. La gerbe multicolore d’une main, les bras levés, debout, la Grande Dame salue. L’explosion des applaudissements redouble. Le commencement de la consécration venait d’avoir lieu.
 
Le 4 octobre, son cocardier Lou Maï est proclamé Taureau de l’Avenir à Beaucaire.
 
Melle Fanfonne est aussi une femme qui aime les gens et en particulier sa famille. Aussi, lorsqu’elle n’est pas à cheval ou à l’écoute de ses bêtes, elle profite de certaines journées d’hiver pour rester auprès de ses sœurs ou bien écrire, répondre à un abondant courrier, mais aussi lire des revues qui l’intéressent dans la bibliothèque de Praviel. C’est sa pièce préférée du mas, elle y vit, elle y pense, elle y est heureuse.
 
Peu de personnes de leur vivant, assistent au développement spontané de manifestations populaires chargées de foi traditionnelle et d’admiration profonde attachée à leur mythe. Ce qui reste remarquable est de voir cette personne menée par la passion jusqu’au bout. Armand et Jacques l’informent sur tout : matériel à réparer, situation des bêtes, ventes effectuées. Ce n’est pas une exigence, les choses se déroulent simplement ainsi. Fanfonne a, depuis plus de 60 ans, l’aveugle confiance des grands éleveurs pour qui le gardian de métier est un homme de haute estime.
 
Fanfonne, dès le 6 mars 1983, est au mazet du Cailar. « Auroch » et « Calabrun » doivent courir à Vallabrègues. Le 13, c’est « Aubun », « Plante Sauze », « Caput » et « Agibe » qui vont courir à Saint-Gilles. Rares sont les fins de semaine sans course. La royale est programmée, avec « Segren », le 1er mai aux arènes du Grau du Roi. 1983 va être pour la Grande Dame de Camargue une année lumineuse. Ce sera en quelque sorte la consécration de son entrée dans l’univers mystérieux de la légende.
 
Le 9 octobre « Segren » obtient le titre tant convoité de Biòu d’Or aux arènes d’Arles. A l’issue de la course, lorsque Fanfonne apparaît en piste aux bras de ses deux gardians, la foule debout manifeste un plébiscite inoubliable qui fut marqué de larmes d’émotions.
 
« Segren » pulvérise tous les records. Il réussit ce véritable tour de force qu’aucun grand cocardier n’a encore égalé : gagner dans la même saison les trois grands trophées des compétitions camarguaises, le 16 octobre, on lui décerne le « Diplôme d’Or de l’Aficion ».
 
Le 5 mai, tristesse générale ! « Segren » meurt sur les pâturages du Cailar, éventré par « Pinceau », un des étalons de la manade.
 
« Jamais je n’ai pleuré pour un animal. Là, je n’ai pas pu me retenir. » avoue-t-elle.
 
Des villes et des villages apposent le nom de Fanfonne Guillierme aux frontons d’écoles, de rues, de places et de maisons pour tous car l’authenticité du personnage n’a échappé à quiconque.
 
Depuis son décès le 22 janvier 1989, de nombreuses manifestations à sa mémoire ont été perpétrées au sein du monde méridional, son monde à elle, ce monde qu’elle chérissait tant. A Beaucaire, un club taurin l’a même pris pour emblème et chaque année à Aimargues, le dimanche suivant le congrès de la Fédération Française de la course camarguaise, une journée entière lui est consacrée. Son image est présente à jamais. »
 
Sources : « En Camargue avec Fanfonne Guillierme » de Robert Faure - Éditeur Nouvelles Presses du Languedoc/1986.
 
Datos  
 
Fanfonne, née Antoinette Guillierme le 31 octobre 1895 à Paris et morte le 22 janvier 1989 à Aimargues, est une manadière française. Elle est appelée « la Grande Dame de la Camargue ».
 
Fanfonne Guillerme est inhumée au cimetière protestant de Nîmes.
 
Le 7 décembre 1986, elle reçoit à Beaucaire la première médaille du Mémorial de la course camarguaise, frappée par le Conseil général du Gard.
 
Fanfonne est également, après Fernand Granon, présidente d'honneur du club taurin aimarguois.
 
Depuis sa mort, la ville d'Aimargues et la Nacioun gardiano, organisent chaque premier dimanche de mars un grand rassemblement de la bouvine pour lui rendre hommage.
 
Le 22 octobre 1995, une plaque commémorative à la mémoire de Fanfonne Guillierme est apposée à l'entrée du bâtiment du boulevard portant son nom.
 
En 2010, le sculpteur bronzier Claude crée un buste de Fanfonne.
 
En 2011, la municipalité d'Aimargues, en relation avec les instances départementales et régionales, décide la création d'une statue équestre. Fanfonne y est représentée sur son cheval Prince galopant dans les marais aux côtés de ses deux Biòu d'Or Galapian et Segren.
 
Le 4 mars 2012, l'œuvre du sculpteur Ben K est inaugurée en grande pompe sur la place du Château.
 
Patrice Quiot