Jeudi 28 Mars 2024
PATRICE
Lundi, 07 Novembre 2022
ps07ph
 
Pierre Soulages…
 
« Un jour je peignais, le noir avait envahi toute la surface de la toile, sans formes, sans contrastes, sans transparences.
 
Dans cet extrême, j'ai vu en quelque sorte la négation du noir.
 
Les différences de texture réfléchissaient plus ou moins faiblement la lumière et du sombre émanait une clarté, une lumière picturale, dont le pouvoir émotionnel particulier animait mon désir de peindre.
 
Mon instrument n'était plus le noir, mais cette lumière secrète venue du noir. »
 
Ecrivain, il aurait été Edgar Allan Poe lorsqu’il écrivit «La chute de la maison Usher».
 
Musicien, Mozart sur son lit de mort dictant à Salieri le «Requiem» ou encore, Maria Callas dans «Norma» un soir de 1964 à l’opéra Garnier.
 
Danseur, Martha Graham au Metropolitan de New-York dans «Les Tentations de la Lune».
 
S’il avait chanté, il aurait été cantaor flamenco à l’égal de Manuel Torres, qui en écoutant Manuel de Falla jouer lui-même son «Nocturne du Generalife», dit cette phrase splendide : « Tout ce qui a des sonorités noires a du duende ».
 
Cinéaste, le J.P Melville de «L’Armée des ombres».
 
Orateur, il aurait été le Malraux du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon.
 
Torero, Dámaso González, fou de courage insensé devant un immense toro de Samuel Flores à Madrid un jour de San Isidro ou encore Rafael de Paula vêtu de gris soutaché de noir un après-midi lumineux de mai dans la vieille arène de Jerez de la Frontera, pleine de gitans aux yeux verts qui retrouvent en ses gestes le tragique du Christ du Prendimiento.
 
Ce noir immense est celui de Pierre Soulages.
 
Le noir de la profondeur.
 
Loin de la bêtise du noir du vêtement de la sorcière qui dans «Blanche Neige» offre une pomme rouge à une petite fille au teint blanc, ou du noir du corbeau de la fable qui tient dans son bec un fromage blanc convoité par un renard roux ! 
 
Mais.
 
Le noir d’encre de seiche du charbon qui sert à fondre le fer.
 
Le noir qui, dans l’Egypte des Pharaons, permet à la déesse Nout de régénérer le soleil avant de donner naissance à l'aurore.
 
Le noir de lumière de la terre, gorgée des alluvions du Nil, prête à recevoir les semailles et à entrer en germination pour engendrer une nouvelle moisson.
 
Le noir d’Osiris, celui qui illumine le visage de Toutankhamon.
 
Ou celui qui, dans le théâtre chinois, se nomme « Bao Qing Tian » qui veut dire aussi ciel bleu et qui est utilisé pour désigner les mandarins intègres.
 
Le noir du soleil de l’Inca.
 
L’ébène du patio de caballos.
 
Le noir de la sombra.
 
Celui du capote de paseo qu’à la mort de sa mère, José Gómez Ortega « Joselito » commanda à la sastrería de José Uriarte, sise plaza de Santa Ana de Madrid.
 
De soie noire brodée de noir jais.
 
Cette année-là, José Gómez Ortega «Joselito» toréa exclusivement vêtu de noir.
 
Comme devraient l'être aujourd’hui les peintres du monde entier.
 
 
Datos
 
Pierre Soulages, né le 24 décembre 1919 à Rodez et mort le 26 octobre 2022 à Nîmes, est un artiste peintre et graveur français.
 
Associé depuis la fin des années 1940 à l'art abstrait, il est particulièrement connu pour son usage des reflets de la couleur noire, qu'il appelle « noir-lumière » ou « outrenoir ». Il est l'un des principaux représentants de la peinture informelle.
 
Patrice Quiot