Jeudi 28 Mars 2024
PATRICE
Samedi, 03 Septembre 2022
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“Oportunidades” (1)…
 
Si les «oportunidades» ont été nombreuses, aucune n’a ressemblé à la première qui eut lieu au cours de l'été 1964.
 
De juin à septembre, en plus de nombreuses autres dans de grandes ou petites plazas, 21 novilladas furent organisées à Vista Alegre.
 
Et des centaines de toreros «sin na», en lambeaux, affamés, mal vêtus et inconscients des connaissances les plus élémentaires de la tauromachie en ont côtoyé d'autres qui ont fait leur chemin dans le monde des toros.
 
Tous ensemble ont donné forme un à un rêve collectif, héritier sans aucun doute des succès de Manuel Benítez « El Cordobés », l'exemple que tous voulaient suivre.
 
Un rêve devenu naturel dans l'Espagne du développement et dans une société déjà sortie de l'après-guerre, une Espagne habitée par des gens qui commençaient à penser que ce qu'ils avaient vécu 25 ans auparavant avait été un mauvais cauchemar
 
De cette première “oportunidad” sortit Palomo Linares, et aussi des banderilleros, comme Federico Navalón « El Jaro » ou «El Suso» ou un torero comique au grand charisme, comme « El Platanito » et d'autres « sin pena ni gloria » comme le baillaor Antonio Gades ou le cantaor Camarón de la Isla, qui ne connurent pas le succès comme toreros, mais dans ce qu'ils firent plus tard dans leur registre artistique.
 
Et avec eux, environ cinq cents ou mille autres rêveurs.
 
En 1964, les frères José Luis, Eduardo et Pablo Lozano étaient devenus les nouveaux impresarios de Vista Alegre, une arène appartenant à Luis Miguel Dominguín depuis 1948.
 
Déterminés à donner un nouveau look à cette arène aujourd'hui disparue, ils firent pendant l'hiver 1964, l’investissement de réparer la plaza qui, depuis son inauguration en 1947 (remplaçant la précédente, la “Alegre Chata”, détruite pendant la guerre civile) s'était beaucoup détériorée.
 
Les nouveaux entrepreneurs changèrent le sable de l'arène, le remplaçant par l'albero d'une mine de Valdemorillo ; les galeries furent refaites, le piso remis en état de même que le patio de caballos et l'installation électrique changée (la même que celle du stade Santiago Bernabéu, disait-on à l'époque), ce qui était sans doute une déclaration d'intention concernant les heures auxquelles les « Lozanos querían dar toros. ».
 
La plaza devint ainsi à partir des mois de janvier et février prête à accueillir des spectacles de toros les samedis et dimanches, ainsi que des soirées de lutte libre et des spectacles de variétés.
 
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Or, on ne sait pas très bien pourquoi, et sans que rien ne le justifie, fin mai 1964, de nombreux maletillas commencèrent à se rassembler à Madrid. 
 
Les maletillas vivaient dans la rue, mendiaient aux entrées des métros, se regroupaient au «cerro de los locos», la «butte des fous», dans le parc de la Casa de Campo où s'entraînaient les toreros.  
 
On y rencontrait quelques types bizarres tels « El Lobo », qui se promenait avec une peau de loup, « El Caïman », qui toréait en rampant, « Herrerita de Païporta », qui se déplaçait sur un âne, « El Mesias », le messie, ou encore « El Cáceres ». 
 
Ce dernier ne payait jamais le train. Poursuivi un jour par la garde civile, il se vit sectionner les deux jambes par une locomotive. 
 
Le journal franquiste «Pueblo» publiait le 29 mai 1964 une information intitulée « Concentration générale de maletillas dans notre capitale ».
 
L’article disait : « Ils viennent de toutes les régions d'Espagne. Peut-être formeront-ils bientôt une association qui veille à leurs intérêts. Avec des bottes fatiguées, avec de la poussière collée au corps, avec le triomphe qui les précédait, des dizaines de maletillas sont arrivés à Madrid, des dizaines d'aspirants toreros. C'est une sorte d'assemblée générale. Beaucoup d'autres les rejoindront. On dit que l'union fait la force. On ne peut plus être surpris par rien, pas même une association de maletillas.
 
Que veulent-ils ? 
 
« Une opportunité (…) », nous ont-ils répondu. »
 
Le texte était accompagné d'une photographie de cinq maletillas : Jacinto Durán (« El Cacereño »), Paco Barrera (Barrerita), Manuel Gutiérrez (« El Aventurero »), Ángel Gutiérrez (« El Castellano »), Gabriel López (« El Mancheguito ») sur la Gran Vía de Madrid, avec la Torre de Madrid en arrière-plan. 
 
Les Lozano et les Dominguín avaient l'idée de faire quelque chose de différent à Vista Alegre. Quelque chose de nouveau. 
 
"Je suis arrivé à Vista Alegre avec le journal ouvert à la page et je leur ai dit : C'est ce que nous recherchons ; así nació “La Oportunidad”, un sueño de gloria » ", racontait José Luis Lozano.  
 
Un nom et une idée nés d'une photographie.
 
A suivre…
 
Patrice Quiot