Vendredi 19 Avril 2024
CFT
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Samedi : dernier tentadero avant le retour...
 
SIXIEME JOUR : Hier soir c’était la soirée de fin de stage, tout le monde attendait l’actuación de notre práctico « Magic Éric » : « 3 petits tours et puis s'en vont ». Mais avant, nous avons posé pour une photo souvenir historique sous l’imposante tête de Miura qui trône au-dessus du bar de l’hôtel. « Notre Maestro » El Rafi était venu nous embrasser, de sortie de tienta quasi en nocturne. Le Maestro Juan Leal est arrivé de la même tienta, pour dîner et passer le dernier jour avec nous.
 
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Eric nous a fait vivre un moment très agréable, féerique, où l'on a retrouvé notre âme d'enfant. On ne comprend pas comment il fait et c'est ça le côté amusant : la corde avec plusieurs bouts, les cercles chinois et le papier volant sont autant de tours qu’il a réalisés devant nos yeux ébahis. Il avait mis au point ce court moment pour nous, avec d’autant plus de pression qu’il nous connaissait tous, ce qui est rarement le cas du public venant l’applaudir. "Tu m'énerves Éric !! " dit Patrick plusieurs fois car il voulait savoir comment ça marche !
 
Les ganaderos Don Íñigo et Don Andoni étaient nos invités. Pour les adultes, un petit cochon de lait grillé est prévu au menu. Il est croustillant et tendre à la fois.  C'est l'occasion pour Éric de nous raconter sa vie au milieu de ses fauves, ses tigres, ses panthères et ses serpents.
 
Puis, au fur et à mesure, les souvenirs taurins remontent à l'esprit. Christian, Patrick et Juan racontent des histoires très amusantes : le torero Colombo qui disait boire du vin rouge, car " ça lui musclait le bras !", Gitanillo de Paris et Panchito de Veracruz, toreros parisiens qui écumaient tous les courses d’emboulés, sans grand succès, toujours très bien habillés, surtout Panchito, qui, bien que n’étant jamais allé au Mexique, portait le costume traditionnel, le cigare aux lèvres et des gants blancs !... puis une autre célébrité : « le Belge » qui - bien que n’ayant jamais mis à mort un becerro - avait dépensé des fortunes pour s'équiper : traje de luces, capote de paseo, capotes et muletas. Le jour où il devait toréer, pour la première fois, après avoir défilé au paseo, il avait disparu du callejón, pris par la peur... Juan traduisait en direct à son banderillero Julio LÓPEZ, qui était amusé de voir des Français raconter toutes ces anecdotes.
 
La nuit fut courte… très courte et le programme du dernier entraînement du stage, chez Don Andoni Rekagori, est chargé. 7 vaches à tienter.
 
Le Maestro Juan LEAL, fidèle à son habitude, était parti en éclaireur, pour tout préparer. Il était comme ça Juan, généreux, passionné, un vrai gentil avec les jeunes. Quand il s'agit d'accrocher la grille derrière la voiture pour refaire la piste, Juan est là, quand il faut ouvrir ou fermer une porte, Juan est encore là, et ça toujours avec le sourire...
 
Il fait gris, froid, 3°, quelques gouttes de pluie pour que l'on n'ait pas trop de poussière !
 
9h27, la chenille redémarrait, nous connaissions tous le chemin, désormais. Arrivés devant le petit portail, re-ficelle de nylon puis re-petits veaux curieux venant à notre rencontre. Puis, au moment de sortir les affaires, notre Jean-Luc, photographe-chauffeur-bon camarade reste un peu interdit : " j'ai oublié mon appareil photo dans le bar de l’hôtel !". Petit moment de panique… court, très court. Je lui propose d'aller le lui récupérer à l'hôtel. Il accepte.
 
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Alors, me voici repartie, sur cette route que je commence à bien arpenter, depuis toutes ces années.
 
Aux abords de la maison voisine d’Andoni, des petits toutous rouges viennent aboyer sur le chemin, je repasse devant les cigognes de la petite chapelle du Maestro Manolete.
 
L’aller-retour va être long, je mets la radio : Radio classique Espagne fait jouer un paso-doble, c’est rare sur cette station. Cela m’amuse, c’est un signe. Puis, je crois reconnaitre le thème de La Marseillaise, que Piotr Ilitch Tchaïkovski a repris en 1880, dans son Ouverture 1812 opus 49, célébrant la victoire russe de 1812 sur les armées napoléoniennes. - Ça aussi, si ce n’est pas un signe !
 
La route nationale que j’emprunte est une succession de longues lignes droites, suivies de grandes courbes. Il est 10h35, personne à l’horizon, sauf 2 ou 3 cyclistes. Les vaches limousines sont en pleine digestion sous les chênes, quelques cochons noirs sont tranquilles dans un clos, il fait gris et les panneaux égrènent des noms de petits pueblos vraiment très typiques :  Calzada de don Diego, La Fuente de San Estebán, Quejigal… autant de rêverie qu'un espagnol qui passerait devant Bezouce, Poulx ou encore Saint Dionisy pourrait être enclin à avoir.
 
Arrivée à destination, je rebrousse chemin et là, la programmation du « Clavier bien tempéré » de Bach m’embarque dans une méditation transcendantale, à telle enseigne que je rate la sortie et qu’arrivée à Sancti-Spíritus, ça aussi, c’est un signe, je m’aperçois que je suis allée trop loin. ¡ No pasa nada !
 
Re-petits toutous rouges, re-corde en nylon, cette fois-ci, les petits veaux sont calés contre le portail. Mais ma descente de voiture les fait tous partir, ils ne veulent pas avoir de problème, ça tombe bien, moi non plus !
 
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J’arrive à mi-tienta. Le bétail est de qualité, les professeurs redoublent la pression, c'est le dernier jour, jusqu’au bout, on ne doit pas baisser la garde. Malgré la fatigue de chacun, il ne faut rien leur passer. C'est une discipline de tous les jours, ne rien lâcher, jamais... Difficile à concevoir pour des jeunes de maintenant, de le comprendre et surtout de l'appliquer.
 
Toutes les vaches sont faibles, la piste est molle, le sable profond.  Il faut savoir les toréer très doucement, sans les obliger.
 
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Ils ont tous fait de grands progrès. Manifestement, chacun repartira différent de celui qu’il était lundi dernier, avec ses succès, ses difficultés, ses acquis, ses domaines à retravailler, ses angoisses, ses joies et ses rêves.
 
13h45 : fin de la dernière séance.
 
Une photo pour marquer le moment, avec le Maestro Juan LEAL, qui va aider le ganadero à poser 35 paires de fundas avant de repartir vers son Andalousie adoptive. C’est un phénomène, un gars hors normes comme tous ces toreros que j’ai le plaisir de côtoyer.
 
Dernier petit jeu : qui sera celui qui descendra de la voiture pour ouvrir et refermer le portail avec sa petite corde en nylon ? C’est Clément qui s’y colle bien volontiers avec sa gentillesse habituelle.
 
Nous retournons à notre hôtel.
 
Ana nous a préparé 12 bocadillos pour le voyage. Douche, valises. Jean-Luc et Patrick organisent les valises dans le minibus. « Oh, les jeunes, les bouteilles d’eau en plastique vides, j’aimerais ne pas avoir à les importer en France, si possible. ». « Toutes ces muletas, il faut les démonter, sinon, ça ne rentrera jamais dans le fourgon ! ». « Il faut tout leur dire à ces jeunes ! » roumègue Jean Luc. Pendant ce temps, une jolie petite chienne berger allemand nous surveille très attentivement, se demandant ce que peuvent bien venir faire tous ces jeunes qui se pressent autour de ce camion français !
 
Paolo paie sa tournée de Coca, Patrick a fait provision de boules de pains blancs espagnols pour Virginie, qui en raffole. C’est le moment de la despedida.
 
Nino descend vers La Carlota, près de Séville, car il est inscrit pour un bolsín demain matin. « Magic Eric », qui vit un rêve éveillé, l’accompagnera et reviendra demain soir, pour le carnaval de Ciudad Rodrigo : « C’est ça la vraie magie de la vie, celle des rencontres ! ».
 
Quant à moi, je repartirai demain vers Madrid, pour de nouvelles aventures, avec le vrai plaisir d’avoir partagé ces moments importants de cette jeunesse méritante.   
 
Bilan de ce stage du CFT :
 
35 vaches toréées et
 
6 becerros mis à mort.
 
12 élèves avec des étoiles plein les yeux,
 
Les professeurs sachant exactement qui doit travailler quoi.
 
Mais aussi, « premières épées » pour Gauthier, Manuel et Clovis. -et ça, on s’en souvient toute sa vie de torero !
 
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15h23 : le minibus démarre pour 1100km. Bonne route à tous. « ¡ Suerte para todos !».
 
Caissargues, nous revoilà !
 
Photos Jean-Luc Jouet