Mardi 19 Mars 2024
TOROFIESTA - Tauromachies : La corrida
La Corrida
Mercredi, 20 Octobre 2010

           Expliquer la corrida n’est pas chose facile. Beaucoup s’y sont essayé, mais on touche tellement à un sujet subjectif que chacun peut raconter la sienne car en fin de compte, il y a presque autant de perceptions possibles qu’il y a d’aficionados sur les gradins d’une arène… A Torofiesta, il n’est pas question de faire valoir un quelconque point de vue, notre initiative se limitant à expliquer aux néophytes ce qu’ils doivent s’attendre à voir lorsque pour la première fois ils pénètrent dans une enceinte taurine… Les autres, les aficionados, savent déjà tout ça par cœur et n’apprendront rien de ce qu’ils savent déjà. Ce qui va suivre ne fait que reprendre le déroulement d’une corrida de A à Z, étant bien entendu qu’il n’y en a pas deux les mêmes car tout dépend de mille paramètres qui ne sont jamais formatés à l’avance. C’est d’ailleurs cette incertitude qui en fait son charme, mais bon, c’est toujours mieux d’en connaître le déroulement, ses règles, ses ambiances, ses petits secrets…

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          Comme aurait dit si bien La Palice, une corrida commence par le début, tout dépend où l’on place ce moment car pour un néophyte ou un aficionado, les choses ne se voient pas de la même façon. En effet, une corrida peut commencer à l’heure du paseo comme pas mal de temps auparavant, dès l’annonce du cartel… Vous allez peut-être penser que je divague ou que j’extrapole, mais dites-vous bien que ce n’est pas pour rien que certains aficionados n’hésitent pas à parcourir des centaines, voire des milliers, de kilomètres pour assister à une feria ou une corrida ! Ça s’appelle la passion, l’aficion, comme d’autres vont à Bayreuth,  à Hockenheim, au Rocío, à Fatima ou à Lourdes… Ce n’est à ce prix que l’on peut comprendre et admettre ce que la corrida représente pour les passionnés, autant qu’elle peut en indisposer d’autres, sans pour cela qu’ils se sentent obligés d’en faire tout un flan…

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         Pour l’aficionado, l’annonce d’une corrida ou d’une feria est attendue avec autant d’intérêt que de circonspection car du choix des toros et des matadors dépendra son adhésion ou son indifférence. A partir de là, l’aficionado se déterminera en fonction de ses propres goûts, aspirations, ou amplitude de son porte-monnaie !


         Autres préalables à la corrida, tout ce qui se prépare avant la course, de l’embarquement au débarquement des toros, du sorteo et de ce qui l’accompagne pour qu’à l’heure H tout soit prêt jusqu’au moindre détail. Alors, le cérémonial peut se dérouler selon un ordre bien établi, à commencer par le paseo qui voit derrière les alguazils s’avancer matadors, cuadrillas, cavalerie et areneros défilant au son d’un paso doble qui varie selon l’arène. Au premier rang, les matadors, selon leur ancienneté d’alternative, le vétéran à droite, le cadet à gauche et le plus récemment doctoré au centre, puis leurs cuadrillas rangées par trois selon le même critère…


         Ensuite, tout se déroule selon un rituel bien établi, la corrida étant placée dès lors sous les ordres de la présidence dont le rôle est d’en assurer le parfait déroulement et d’attribuer avertissements et récompenses. Au niveau de la piste, les alguazils sont tenus de faire respecter les décisions de la présidence et de façon plus générale de veiller à ce que tout se passe bien, ce qui est souvent le cas, ou presque…

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         La lidia se déroule en trois temps, ou tercios (tiers), le premier comprenant la réception du toro avec le capote ainsi que le tercio de piques. Ensuite, vient le deuxième tercio, qui correspond à la pose des banderilles, le plus souvent réservé aux peones (banderilleros). Cependant, certains matadors s’en sont fait une spécialité, et sans remonter aux époques précédentes, on citera chez les contemporains El Fundi, Juan José Padilla, Antonio Ferrera, El Fandi, Luis Miguel Encabo, ainsi que Mehdi Savalli… 

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   Le troisième tercio est consacré à la faena de muleta puis à la mort, le matador ayant dix minutes avant que ne tombe le premier avis, puis trois pour le deuxième et deux pour le troisième, ce qui signifie qu’il doit se retirer alors à la barrière sans avoir la possibilité de tuer son adversaire, lequel est redirigé vers le toril, cas assez rare mais qui se produit de temps à autres. Au terme de sa faena, par une pétition plus ou moins fournie de mouchoirs blancs, le public pourra demander une oreille pour récompenser le torero, la présidence pouvant à son tour en ajouter une deuxième, et même la queue, si elle le juge opportun eu égard à la valeur de la faena réalisée par le matador. Sans aller jusqu’à obtenir d’oreilles, le matador peut de son propre gré saluer et même faire un tour de piste (vuelta). Quant au toro, dans le cas d’un excellent comportement, la présidence peut décider de lui accorder une vuelta al ruedo posthume (mouchoir bleu) et cas plus rare, de le grâcier (mouchoir orange).

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         Selon la catégorie des arènes, le matador pourra sortir a hombros (sur les épaules) par la grande porte  - honneur suprême - après avoir coupé deux ou trois oreilles (trois pour Nîmes et Séville par exemple, deux pour la plupart des autres plazas).

          Revenons sur le déroulement des tercios… Dès que le toro entre en piste, il est fréquent qu’il fasse un ou plusieurs tours de reconnaissance, histoire de prendre ses marques dans un cadre restreint qui ne lui est pas familier. Il est ensuite paré par les banderilleros avant que le matador ne s’avance pour lui donner quelques passes de cape : largas (parfois à genoux), véroniques, chicuelinas… Ce mode de réception est le plus fréquent, mais pour prouver sa détermination et son courage, le matador peut décider d’accueillir son toro en allant s’agenouiller face au toril, "a portagayola". C’est un moment de grande émotion car très risqué, le torero n’ayant pas la moindre idée de la manière dont le toro va sortir. Alors qu’il se prépare pour lui donner une larga ou un farol, la manière dont le toro va foncer va être déterminante dans la réussite de cette réception…

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         La suerte de piques, réalisée ensuite dès que le président fait sonner les clarines, est réalisée par le picador après que le matador ou un de ses banderilleros ait placé le toro en tenant compte – si possible – des limites marquées par deux cercles concentriques, le cavalier devant se tenir entre les planches et la première limite, et le toro au-delà de la deuxième.

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          Cette suerte est très importante car outre les effets physiques sur la résistance du toro, la pique permet de jauger la bravoure de l’animal, à savoir son instinct combatif, son inclinaison à foncer vers le cheval. Le nombre de piques est variable, mais dans les arènes importantes, un minimum de deux rencontres est souhaité, ce qui semble logique mais qui est parfois sujet à contestation ou incompréhension, tous les toros ne pouvant supporter le même traitement…


        Souvent décriés, il faut tout de même savoir que les picadors réalisent cette suerte en tenant compte du potentiel de l’animal et des indications du matador. Fait assez rare pour être signalé, un tercio de piques réalisé dans les règles et bien dosé fait partie des bons moments d’une tarde et il arrive qu’un picador soit invité à saluer.


         Après la pique, le deuxième tercio est réservé à la pose des banderilles, soit trois paires posées alternativement par deux banderilleros, le troisième ayant pour rôle de placer convenablement le toro. Toutefois, certains matadors sont spécialisés dans cet exercice et les posent eux-mêmes. La musique se met alors à jouer.

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          Arrive ensuite le troisième tercio, celui de la faena de muleta qui se terminera par la mise à mort du toro. Exécutées uniquement avec la muleta, les passes sont nombreuses et variées : doblones, derechazos, naturelles, pechos, redondos, cambios, statuaires, trincheras… et bien d’autres encore, compte tenu de la main qui officie ou de la position du corps et du mouvement imprimé.

 

 


        Le principe est de mener le toro du haut vers le bas et d’avant en arrière en templant, c’est-à-dire en maintenant un rythme tel que le toro ne touche jamais la muleta. Tout cela participe d’une volonté de domination progressive jusqu’à ce que le toro soit cadré pour la mise à mort, autrement appelée heure de vérité, suerte suprême, ou encore suerte de matar, geste très important, l’impact du coup d’épée et sa trajectoire comptant pour beaucoup dans sa réussite. En cas d’échec (pinchazo), le matador reprendra l’épée pour quelques fois en finir avec l’aide du descabello.

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 Malgré ma volonté de clarification et de simplification, tout cela pourra peut-être passer pour du charabia aux yeux d’un néophyte, tout au plus le terrain a été débroussaillé, mille autres subtilités techniques et artistiques entrant en ligne de compte dans la réussite d’une faena. Pour se faire une idée plus précise, rien de mieux que d’y aller voir de plus près en se rendant aux arènes… ou en lisant quelques traités de tauromachie en vente dans toutes les bonnes librairies !