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PATRICE
Mercredi, 15 Décembre 2021
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Une figura de la course landaise : Christian VIS « Ramuntcho »…
« De père et mère gitans, dont la lignée maternelle trouve ses origines en Europe centrale où se tenait alors une forte concentration tsigane, Christian Vis naît au cours d'un voyage en Gironde, le 22 septembre 1943.
 
Dès lors, c'est une vie transhumante où dès l'enfance, il connaît, de par sa condition familiale, le rejet des minorités bohémiennes, le refus du droit à l'école, celui de s'installer en lieu fixe et bien d'autres vexations dont la liste ne saurait être exhaustive. Si son enfance n'est pas dorée pour toutes ces raisons et aussi pour celle de pauvreté, il recevra en compensation un grand amour familial.
 
N'ayant pas le privilège de connaître l'école, Christian restera illettré et très tôt doit commencer à gagner sa vie en faisant des travaux pénibles dès l'âge de 12 à 13 ans. Docker occasionnel, il décharge les bateaux, puis sillonnant les rues de Bayonne ainsi que les chemins et sentes environnants, il traîne sa petite remorque à la recherche de chiffons et ferrailles.
 
Mais voici qu’en 1957, alors âgé de 14 ans, son frère aîné Michel écarteur connu, lui apporte la chance de sa vie en lui donnant l'opportunité d'effectuer deux écarts dans une course de plage à Arcachon. Il faut dire que Christian avait déjà été un peu initié par son père Antonio qui lui avait transmis la vocation, sachant que celui-ci lorsqu'il s'était enfin fixé dans le Sud-ouest après un long séjour en Camargue, était devenu un écarteur de renom !
 
Christian ne quittera plus l'arène jusqu'à l'heure de ses adieux à la course landaise en 1992.
 
Baptisé RAMUNTCHO à Amou dans les Landes alors qu'il est appelé à remplacer pour la deuxième fois en course formelle un écarteur empêché, c'est désormais sous ce vocable qu’il sera connu.
 
Elève attentif des plus grands maîtres de l'époque en la matière, il se révèle particulièrement doué et commence à faire preuve d'un brio qui fait dire aux spécialistes qu'il y a en lui un grand champion en puissance.
 
Son palmarès est si brillant et ses titres si nombreux qu’ils ne peuvent tous être évoqués ici. On retiendra en synthèse qu’il a été deux fois Champion de France, 11 fois vice-champion, 11 fois classé dans les 4 premiers (en dehors de places de Champion et de vice-champion), 22 fois vainqueur des grands concours, 12 fois classé au Boléro d’Argent dont 4 fois à la première place, ceci au plan individuel.
 
Quant à l'action collective, il s'est montré intelligent, meneur d'hommes, estimé et apprécié des cuadrillas qu'il dirigeait avec souplesse et efficacité, ce qui lui a permis de remporter huit fois la Coupe des cuadrillas, douze fois le Challenge de l'Armagnac et sept fois celui des Landes-Béarn.
 
Figurant aux places d’honneur avec les plus grands champions qui ont fait et émaillé l'histoire de la course Landaise, il serait péjoratif de dire qu'il en est le Dieu, car d'autres avant lui, et de son temps, ont thésaurisé de nombreux titres, ne serait-ce que son frère cadet le célèbre Ramuntchito qui, en 13 ans, s'est octroyé onze fois le Championnat de France qui, de mémoire de tauromache, n'a jamais été égalé et n'est peut-être pas prêt de se revoir avant longtemps, est à juste titre, considéré comme « véritable seigneur de cet art traditionnel ».
 
Par-delà la performance visible, éclat d'un jour ou d'une période, il y a en Ramuntcho une valeur et un génie impalpables que ne perçoit pas le spectateur, mais qui contribuent à faire l'histoire et à marquer d'une empreinte indélébile pour la postérité. Ne dit-on pas qu'il a marqué de cette fameuse empreinte toute la génération d'après-guerre ?
 
Pour d'inégalables champions, auxquels il convient assurément de rendre hommage, ce sont quelques fois les titres qui, conquis de haute lutte, en forment l'apanage et constituent l'apothéose.
 
Pour d'autres, dont RAMUNTCHO est un parfait exemple, la collection des trophées, coupes, médailles, n'est que le volet d'un ensemble dont ils ne se satisfont pas. Car pour eux, c'est l'exercice d'un culte qui sacrifie volontiers la victoire personnelle à la pureté de l'art afin qu'il se perpétue dans sa plénitude.
 
Même si ces valeurs ne sont pas perçues au moment de l'action, il est indéniable qu'elles sont d'une telle évidence qu'elles ne peuvent échapper à la connaissance publique, ce qui s'est effectivement produit pour RAMUNTCHO.
 
Modestie, humilité, loyauté, courage, générosité et altruisme, sont autant de vertus dont est pétri cet homme au grand cœur. Elles lui ont permis, à son insu même, de devenir ce héros de l'arène au style aussi brillant que l'habit de lumière qu'il a revêtu durant des décennies.
 
Pour avoir tant apporté à la cause de la course landaise, « la Gascogne toute entière peut être fière et s’honorer de revendiquer comme un des siens » à part entière, ce petit Gitan qui, naguère traînait sa charrette de fortune dans la cité bayonnaise avant de devenir un célèbre « torero » dont le nom restera bien longtemps gravé dans les mémoires des « aficionados ». »
 
Sources : « La Talenquère » n° 42/2ème trimestre 1994
 
Datos
 
Né le 22 septembre 1943, décédé le 18 septembre 2017 à Dax, Ramuntcho a connu une longévité exceptionnelle depuis ses débuts à 17 ans à Amou jusqu’à un dernier écart, en 2013 dans les arènes de Dax, à l’âge de 70 ans.
 
Christian VIS avait hérité du titre de prince des écarteurs, son frère cadet étant sacré quelques temps plus tard, du titre d’empereur des écarteurs.
 
Ouvrage : « Ramuntcho, prince des écarteurs » de Maurice Violet/J. Curutchet (Éditeur)/Parution : mars 1994.
Patrice Quiot