Jeudi 18 Avril 2024
PATRICE
Lundi, 08 Mars 2021

vh08ph

Comme un fake de Victor Hugo…

 Expiation

 

Le soleil brillait

Il était vaincu par sa conquête.

Pour la première fois, Covid baissait la tête.

De la pandémie finie, le virus battu revenait piteusement

Laissant derrière lui brûler les pieds paquets fumants.

 

Le soleil brillait

Sur le monde des toros, l'âpre hiver avait fini de fondre en avalanche.

Après une temporada blanche, une autre temporada blanche.

On n’apercevait plus les figuras, ni les amis du mundillo.

Hier, on vivait in vitro, aujourd’hui on lorgne l’abono.  

 

Le soleil brillait

Le perdant s'abritait dans le ventre

Des confinements morts ; au seuil des hôpitaux désolés,

On voyait Salomon à son poste gelé,

Debout et pregón affiché du mal  vivre,

Collant sa bouche de pierre à ses règles de cuivre.  

 

Le soleil brillait

Les experts, surpris d'être tremblants,

Marchaient pensifs, les chiffres pendant à leur moustache grise.

Le soleil brillait, pauvre Véran

Tous enfin dehors,  finies les geignardises.  

 

Le soleil brillait

Sur les hauteurs des mas des Costières et rechazado  des beaux crus

Celui qui n’était qu’un butor n'avait plus de vin et allait pieds nus.

Ce n'était plus un bacille vivant, haineux de notre terre,

Mais un cauchemar mourant, une enclume, un mystère.

 

Le soleil brillait

La déroute pandémiale, vaste, épouvantable à voir,

Dans la garrigue finissait, muette et noire.

Le ciel bleu faisait sans bruit pour les vaccins en place un immense linceul.

Et Covid se sentant fini était seul.  

 

Le soleil brillait

Le virus pensait : «  Pourquoi ce funeste empire ?

J’avais deux ennemis! La vie et le vin d’estrambord.

Et, si à Nîmes, Caremeau était de tous mes ennemis, le pire,

C’est le la daube de toro qui m’a fait le plus de tort !  

 

Le soleil brillait

C’était la fin.

L’infâme germe grillait au feu des micocouliers du boulevard

Et ouvrait les boites de masques pour en manger les élastiques.

S’il se couchait pour la sieste, il mourait.

Groupe morne et tragique,

La horde de Covid fuyait.  

 

Le soleil brillait

Stupéfait du désastre et ne sachant que croire,

Le virus se tourna vers Dieu.

Et lui qui rêvait d’une peste noire

Proféra dans le silence d’une l’épidémie finie : « Gens qui aiment la bamboche, je vous en veux.»  

 

Le soleil brillait

Le kyste malsain comprit qu'il allait expier.

Il demanda : « Seigneur, est-ce là le  terrible châtiment d’une morgue si longtemps affichée ? »

« Seigneur, est-ce là le  terrible châtiment de mon plaisir à les voir confinés ? »  

 

Alors, du fond d’un enchantement, Covid s'entendit appeler par son nom.

Et, de l'ombre de son récantou, Simon lui répondit : « Non ! »  

Datos :

« Expiation » ou « L'Expiation » est un poème de Victor Hugo, présent dans le recueil Les Châtiments. (1853)

L'auteur y retrace successivement toutes les étapes de la glorieuse déchéance de Napoléon après son Coup d'État du 18 Brumaire.

Victor Hugo : 26 février 1802, Besançon/22 mai 1885, Paris.  

Texte original :

« Il neigeait   … Il neigeait. On était vaincu par sa conquête.

Pour la première fois l'aigle baissait la tête.

Sombres jours ! L’empereur revenait lentement,

Laissant derrière lui brûler Moscou fumant.

Il neigeait. L'âpre hiver fondait.... »

Patrice Quiot