Mardi 16 Avril 2024
ANDY
Mardi, 09 Février 2021

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Andy Younes : « Je m’entraine comme si tout allait repartir, en gardant l’espoir de lendemains meilleurs... »

Malgré des nuées d’incertitude qui assombrissent le tableau, la tauromachie est toujours debout. Et chaque jour, des toreros se lèvent pour rejoindre leur lieu d’entrainement. Pour Andy Younes, ce sont les arènes de Fourques, aux pieds du Rhône, où d’ailleurs d’autres jeunes toreros viennent aussi se préparer...

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Même si la période est quelque peu réductrice, Andy garde visiblement le moral et comme on dit, « met le paquet » pour être fin prêt le jour où... Conscient qu’il a encore à progresser, il a confié à Stéphane Fernandez Meca le soin de gérer sa carrière, mais aussi de se comporter, grâce à son expérience de la piste, comme une sorte de préparateur technique...

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Avant de rentrer dans le vif du sujet sur les aléas de la période actuelle, j’ai tenu à revenir sur les deux moments forts qui ont marqué selon moi ses débuts dans la catégorie des grands : son alternative à Nîmes et la corrida de Jandilla à Arles...

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« Je ne suis pas quelqu’un qui a tendance à trop regarder en arrière, je n’aime pas vraiment remuer ces souvenirs car ça me rend un peu nostalgique, mais évidemment, mon alternative reste un bon souvenir.

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Quant à la corrida de Jandilla à Arles, elle a été plus contrastée, avec ses deux facettes, d’abord avec l’électrochoc de mon premier toro. A vrai dire, je m’étais mis en tête de couper quatre oreilles et je suis tombé sur un premier adversaire qui n’est pas du tout sorti comme je me l’étais imaginé ! Il était compliqué et je n’avais pas alors la technique nécessaire pour lui prendre le dessus. Il m’a attrapé, je suis allé à l’infirmerie, et malgré le choc, je suis reparti pour mon second combat, d’autant plus qu’à partir du moment où je n’avais pas de cornada, ce n’était pas négociable pour moi ! Ce second  toro, je l’avais repéré dans les corrales, je peux dire qu’il m’avait tapé dans l’œil, il y a des toros comme ça, je sentais qu’il allait se produire quelque chose avec lui et c’est même allé au-delà de mes espérances !

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Arles et Nîmes, c’est différent. Même si à Nîmes je me sens chez moi, Arles c’est quand même ma ville, il y a une pression particulière. On n’est jamais totalement prophète en son pays, c’est une sorte de quête de l’impossible que de vouloir réunir tout le monde, à la fois excitante, mais c’est un but inatteignable...

Puis est arrivé le coup de massue avec cette pandémie ! Mais je dois dire que malheureusement, le coup d’arrêt, je l’avais vécu en amont car après un autre passage à Arles et Nîmes, je pensais que c’était enfin parti pour moi, ce qui n’a pas été vraiment le cas car la répercussion a été minime par rapport à mes attentes. Néanmoins, une carrière de torero, ça se travaille, je me suis retrouvé dans une situation délicate, ça m’a provoqué un choc important, et maintenant, avec du recul, j’ai réussi à avaler cette couleuvre. J’avais l’impression de vivre une injustice, mais au final, ça m’a permis de retrouver encore plus de rage, de forces. Je sais que si ça repart, je vais savourer encore deux fois plus ma profession car ça m’a tellement manqué que lorsque ça va revenir, je vais tout donner pour être encore plus passionné et motivé !

Cette pandémie, c’est une incompréhension et surtout le désir de se réveiller de ce cauchemar... J’avais fait deux corridas au Pérou en janvier où ça s’était bien passé, avec notamment un indulto, et je devais y retourner pour d’autres engagements. Mais ce n’est pas ici, et c’est avant tout ici et en Espagne que je veux toréer. C’était une lueur d’espoir, je pense qu’au départ on a tous sous-estimé ce virus en pensant que ça repartirait dans l’été. Maintenant, on se pose des questions sur l’avenir, à savoir si l’on pourra revenir comme avant ou s’adapter à cette situation. On dit souvent que la tauromachie doit se moderniser, mais là, ça risque d’être dans le mauvais sens , en se pliant aux contraintes générées par le Covid, jauges limitées, distanciation, masques... et implications budgétaires revues à la baisse. Dans tous les domaines, il y  a des efforts financiers et la tauromachie en fera aussi. Est-ce qu’il faut faire des efforts pour ensuite revenir plus forts, si c’est le cas j’adhère, bien sûr. Les organisateurs prennent des risques et les efforts doivent être partagés entre toutes les composantes de la tauromachie. Empresas, ganaderos, toreros, tous les secteurs liés à l’organisation d’une course, ainsi que les aficionados car si les toros génèrent autour d’eux une ambiance festive, les spectateurs la retrouvent moins depuis l’apparition de cette pandémie. Pourtant, malgré le port du masque, le gel, la distanciation, les bars, les bodegas et les restaurants fermés, leur présence est indispensable car de leur venue dépend la réussite des courses annoncées... 

Parmi les initiatives privées venant de ganaderos ou de clubs taurins, j’ai été invité par Jean-Luc Couturier à participer à l’une des soirées au campo aux côtés de Morenito de Aranda. C’était bien entendu un peu différent d’une corrida formelle, avec une très bonne organisation et pour moi, ça a été très positif. J’ai eu aussi la chance de faire pas mal de campo, mais même si ça peut paraitre un peu bizarre, si l’on regarde dans le rétro ma saison 2020, j’estime qu’elle a été réussie car j’ai pu franchir un cap dans ma tauromachie et trouver un apoderado. En outre, je pense que ça a été une temporada importante pour celle qui arrive...

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C’est par l’entremise d’Alain Bonijol que je me suis entendu avec Stéphane pour qu’il soit mon apoderado. La veille de la course chez Couturier, je suis allé tienter chez lui et Stéphane est venu me voir. Il a commencé à me conseiller avec la première vache et d’emblée, la manière de me parler m’a enchanté. De là notre rapprochement et notre accord d’apoderamiento. C’est quelqu’un qui est arrivé à me comprendre, qui connait bien les toros  et qui les analyse rapidement. En aucun cas je suis sorti  de mon concept, je suis toujours à la recherche d’améliorer mon toreo et c’est maintenant au travers de l’œil de Stéphane, tout en restant dans ma lignée de ce que je recherche. Même si ça a pu en surprendre certains, j’ai senti en définitive une évolution non négligeable qui m’apporte davantage de confiance.

En ce qui concerne le clip publié il y  a quelques jours, je le dois à Alex, un ami de Pierre Mailhan qui chante et qui avait déjà fait des clips musicaux que j’avais vus pour la promotion de son album. J’ai regardé son clip et plein d’idées me sont venues en tête, à tel point que je luis ai demandé en plaisantant si ça lui dirait de faire quelque chose sur les toros. Pour rigoler, on a fait des plans chez Pascal et finalement, on s’est pris au jeu et de ce qui ne devait être qu’un amusement, on en a fait quelque chose de sérieux ! On a alors passé des heures et des heures et on y a mis tellement de cœur que  je trouve que le rendu parait professionnel. On va dire que c’est un travail d’équipe et ce qui me fait avancer, c’est justement ce message d’espoir, pour revêtir le costume de lumières, pour ressentir le toro... Oui, j’ai eu des retours, très bons dans l’ensemble, et j’en profite pour remercier et féliciter encore Alex car il a fait un travail monstre. Je pense, comme je le, disais avant, qu’il faut que la tauromachie se modernise et là, je trouve que la réalisation de ce clip va dans le bon sens...

Voir ou revoir le clip en cliquant ICI

2021 ? Je me  prépare tous les jours comme si... En effet, je me suis rendu compte que si je n’avais pas tous les jours ma routine d’entrainement, il me manquait quelque chose. Je me sens alors fatigué, triste car si je n’ai pas au moins ma demi-journée d’entrainement, je ne me sens pas bien. C’est un besoin psychique et psychologique car je ressens un manque si je n’ai pas une cape ou une muleta dans les mains ! J’avais bien emménagé un coin chez moi pour pouvoir m’entrainer, mais ce n’est pas pareil. Il manque le côté social, les discussions avec les autres toreros et c’est là que je me suis rendu compte combien l’entrainement dans une arène et le campo sont primordiaux. Au final, il n’y a que ça qui me remplit. J’ai besoin de ma dose  de toreo, même si c’est actuellement passablement compliqué de par l’incertitude régnante. Cela dit, je garde tout de même l’espoir de lendemains meilleurs... »

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STÉPHANE FERNANDEZ MECA

« Andy m’intéressait, mais je n’avais pas de contacts directs avec lui. Un jour, Alain Bonijol m’a appelé pour me dire qu’Andy serait ravi de me rencontrer. Il m’a téléphoné, on s’est rencontré, on est allé au campo et les choses se sont faites naturellement. Je ne le connaissais pas beaucoup et honnêtement, je suis très agréablement surpris par l’homme. Je ne l’imaginais pas  comme ça. En fait, il est très timide, réservé et ce qui peut passer pour de la prétention, être hautain, ce n’est pas du tout ça. Il intériorise pas mal, et en définitive, c’est vraiment de la pure timidité. Il est intelligent, éduqué, qui a les bases essentielles pour devenir torero.

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Après, compte tenu en plus de la situation actuelle, il faut beaucoup de temps pour faire un torero, pour polir les défauts, les corriger, le faire progresser. Au fond de lui, je crois qu’il n’est pas vraiment conscient de son potentiel. Il possède ce mélange de courage, de classe, d’empaque, il est en pleine mutation, il a ces qualités, mais il ne va pas encore jusqu’au bout. Ça peut être un torero très largo car jusque-là, on le voyait plus « effectiste » que torero profond. Non, il peut avoir aussi beaucoup de poder et ce que je retiens, c’est qu’il a tout le potentiel pour le faire éclore. Mais ça demande pas mal de travail, donc de temps. La seule chose que ni lui, ni moi, ne maitrisons pas, c’est le temps qu’il faudra pour une totale éclosion. Pour ça, il faut des toros et la situation actuelle ne favorise guère les choses. On se prépare, on échange beaucoup, avec une forte volonté d’y arriver au plus vite...

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Ses défauts ? Ils découlent de ses qualités ! C’est parfois ne pas comprendre, ne pas percevoir, ne pas assimiler, être encore dans cette période de hauts et de bas. Cette irrégularité, elle est flagrante, voyante, parce qu’il y a une mutation. Dans ce cas, tu passes par différentes phases et aujourd’hui, Andy est en plein milieu de tout ça. Ses défauts  font qu’il peut passer à côté d’une vache, d’un toro, sa nouvelle tauromachie n’étant pas encore aboutie. Et c’est là que j’essaie de rentrer en jeu, de lui expliquer  ce qu’il a fait de bien ou de mal, pourquoi ça lui est arrivé. Avec bien sûr la connaissance du toro qui se travaille tous les jours. Ça fait partie des travaux du campo, il faut approfondir et comme je lui dis, péguer des passes pour péguer des passes, ça ne sert à rien !

Après, c’est aussi de la psychologie, il faut savoir qui tu accompagnes, tous les toreros sont différents et ce qui  m’intéresse chez lui, c’est le torero qu’il peut devenir. Moi, j’y crois, je suis entièrement convaincu qu’il peut devenir un grand matador. On est dans la période de travail, de mutation, il faut que la transformation se fasse, ça va prendre du temps. La seule chose que je ne peux pas maitriser, c’est justement combien de temps ça va prendre !

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Andy est officiellement annoncé à Istres et Saint Martin de Crau, d’autres corridas sont faites, mais pas encore annoncées. Aujourd’hui, cinq corridas sont signées, et au vu de la situation, c’est déjà un miracle ! A ce sujet, je dis à Andy, même si l’on souhaiterait toujours plus, que ce n’est pas le nombre le plus important, mais l’image  qu’il va donner et la progression qu’il va réaliser. Le plus important, c’est d’arriver au mois d’octobre à Saint Martin en ayant laissé une image d’un Andy Younes nouveau, avec devant lui une projection de carrière au feu vert ! Regarder droit devant et le plus haut possible... Je lui ai bien dit que c’était lui qui avait les manettes et la seule chose que l’on puisse faire, c’est l’accompagner en essayant de lui faciliter la tâche. Je prends beaucoup de plaisir car c’est un torero différent de tous ceux que j’ai pu aider, ça constitue un challenge nouveau parce que c’est une autre tauromachie, une autre façon de toréer, d’appréhender cette profession. Chacun a sa personnalité et celle d’Andy est très marquée...

En ce qui concerne les arènes auxquelles je donne un coup de mains, comme Riscle, je peux dire que le Tendido Risclois maintient son week-end taurin des 30 et 31 juillet. La seule chose que l’on ne sait pas encore, c’est comment y donner forme, lui donner vie, en fonction de la situation. On va travailler sur le concept habituel des éditions précédentes avec les prácticos le vendredi pour des animations en piste, puis les courses le lendemain, mais si tu n’as pas des rentrées complémentaires - buvette, repas, partenaires... - et que tu ne te retrouves plus qu’avec la taquilla, ça ne couvre même pas les frais !

Avant, on savait où on allait, alors que maintenant, c’est l’inconnue totale... Donc, s’il n’y a pas ce côté convivial, il sera difficile de faire venir les gens uniquement sur les courses et la taquilla s’en ressentira. C’est bien pour cela qu’il faut souhaiter que tout s’arrange au plus tôt... »

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A l’aube d’une saison taurine qui s’annonce encore compliquée, on va souhaiter bonne chance à Andy, ainsi qu’à son mentor pour qu’il lui trouve suffisamment d’opportunités afin qu’il puisse étaler ce dont est capable le nouvel Andy... Suerte !