Mercredi 24 Avril 2024
DIVAGATIONS DE PATRICE
Lundi, 28 Décembre 2020

bay27ph

Peligro claríssimo...

On sait ce qu’est un toro de peligro sordo.

Un  danger sourd, sans apparence.

Un Dieudonné en pantoufles, un venin de Borgia dans un marron glacé.

Ça craint grave, mais c’est caché.

Le contraire existe.

Ça s’appelle un peligro claríssimo.

Un danger clair, avec un visage.

Comme une plaque de verglas au soleil d’hiver, comme le sobrero de Palomo Linares lidié par José María Dols Abellán le dimanche 6 mai 1984 à la Maestranza.

Ça craint, mais c’est manifeste.

Illustration citadine.

A Bayonne, il y a longtemps ; pendant les Fêtes, à la terrasse d’un bar.

Il est à peu près 16h15 et un temps de brouillarta.

En face de la terrasse, un passage clouté sur lequel s’avance une vieille dame en cheveux, un cabas à carreaux à la main.

Sans se préoccuper de la circulation.

L’air absent, comme ailleurs, dans un rêve, dans un monde autre.

Le fantôme d’une doña Celsa Agniel de Fonfrede y Blázquez Dávila faisant ses courses sur les bords de la Nive et qui  traverserait le zebra crossing avec la même gravité que celle  de La Esperanza de Triana, le soir de madrugá sur le pont Isabel II.

Coup de frein appuyé d’une décapotable immatriculée 83.

Le spectre de la Veuve passe remerciant  le véhicule d’un sourire auquel le 83 répond d’un appel de phare comme un clin d’œil et d’un léger coup de klaxon comme un hello.

Va por Ustedes.

No pasó nada.

Sauf que, sur la terrasse, deux barbons en tongs invectivent grassement le chauffeur du 83 lui signifiant en mots peu amènes l’incivilité de son allure et apostrophent le fantôme pour son incurie d’ancêtre.

Une paire de «Diamante Rubio», mais sans la façon !

Deux lourds de chez lourd.

Frein à main qui se tire doucement et portière du 83 qui s’ouvre encore plus doucement.

Descend un mec.

Chemise bleue légèrement ouverte, jeans de bonne coupe, pieds nus dans mocassins cirés.

Un beau mec, hâlé des sunlights des boites de nuit.

Il s’avance tranquille vers les birbes.

Comme un propriétaire qui irait couper quelques roses de son jardin.

Lentement.

A l’image du  paseo de Bienvenida en octobre 1966 lors de sa despedida à Madrid pour son seul contre six.

Vraiment très lentement, il avance le mec.

Et ce n’est pas une attitude.

On sent venir le blème...

Le 83 arrive à la table des vioques, met une gifle au premier, sort un calibre de derrière ses reins, le pose sur la tempe du second et lui demande calmement : «Tu veux mourir, Papa ? »

Puis s’en va.

Nada más.

Peligro claríssimo.

Certes.  

Quoique...

Patrice Quiot