Vendredi 29 Mars 2024
DIVAGATIONS DE PATRICE
Mardi, 24 Novembre 2020

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Recuerdo 2010 : Moselle en novembre (2)…

La deuxième partie de l’étude de la sociologie mosellane du bassin houiller en novembre nous conduira à «Attac», supermarché du centre-ville de Saint-Avold (57500).

Rebaptisé «Simply Market», le lieu se voulait classy : Les caissières devaient peser moins de 82 kgs en vif, savoir parler un français à peu près correct, ne pas avoir trop de mèches décolorées, ne pas exagérer avec le «french manucure» et porter avec élégance la blouse griffée de leur prénom qui constitue leur traje de luces.

En novembre, à peu près à la date des fiestas patronales de Alcolea del Río (Sevilla) et  bien après celle de la fête votive de Bellegarde, le gros truc de «Simply Market», c’était « La semaine du porc », dont l’échéance annoncée un mois à l’avance dans les médias locaux et les casillas de correo individuelles drainait le chaland de toutes les communes du coin et même, figurez-vous, de la Gross Allemagne voisine.

Pour vous dire, la renommée de l’évènement.

La semaine du porc au «Simply Market» de St-Avold, c’était le Roland Garros de la Moselle, le Corso de Calvisson du canton, la Feria des Mange-Tripes de la commune.

A cette occasion, le divin cochon était la vedette du lieu.

752 m2, soit 18.87% du ruedo des arènes de Nîmes, lui étaient consacrés.   Lard gras ou maigre, poitrine emballée ou à la coupe, saucisse dans tous ses états, saucisson sous toutes ses formes, lardons, grattons, jambons, conserves, galantines, rôtis, filets-mignons, rognons, foie, langue, hure, pâté nature ou en croûte, choucroute royale ou paysanne, le schwein était omni présent.

Un peu comme à Séville, les faldas de lunares à la casita «Los de la Bodeguita» au 49 Joselito « El Gallo » du recinto ferial.

Un peu comme à Dax, les festaïres en rouge et blanc et les mêmes en  blanc et bleu à Mont de Marsan.

Un peu aussi comme à Nîmes, les pébrons au «4».

Dans les gondoles, des raffinements de présentation - papillotes, rubans, petits carreaux rouge et blanc ou dentelle de papier crépon - dressaient l’animal en majesté.

Dans ses plus beaux atours et mis en scène par les plus prestigieux designers mosellans de la chose porcine, il faisait oublier aux enfants la dernière rentrée scolaire, aux parents la désespérance sociale et aux mamies et pépés le temps où les patrons autocrates des Houillères gouvernaient la région.

Vedette starisée des affiches géantes, le  groin de l’animal faisait la nique au rayon de la bière et ses pieds détrônaient par les falbalas qui les ornaient le kitsch XIXème siècle des St Nicolas en pain d’épices des marchés de Noël.

En comparaison, le rayon charcuterie de « La Fourchette des Arènes » serait à cette opulence rose ce qu’est  un instituteur socialiste à Jean Jaurès en ce qui concerne la couleur, ce qu’est  le pont de Vierne au Pont du Gard en ce qui concerne la taille et ce qu’est «El Chihuahua» à Juan Ortega  en ce qui concerne la main gauche.

Autour du cerdo lorrain,  les animations qui allaient bien.

Rock around the pork !

L’animateur de Sarreguemines, comédien raté mais bateleur de categoría, rouflaquettes gominées et gourmette en or au poignet, créait l’ambiance :

Musique « Oum-papa », blagues du même acabit, jeux idiots pour enfants avec points à « cagnotter » pour récompenser les bonnes réponses aux questions du style : « Est-ce que ta maman aime les gros cochons ? » ou «  Combien de saucisses as-tu vu ton papa manger pour son anniversaire ? ».

Questions que, malgré mes recherches, je n’ai pas trouvées dans l’œuvre de François-René de Chateaubriand ou dans celle de Miguel de Cervantes et qu’on n’a pas l’habitude d’entendre dans la bouche de l’ami Valade et encore moins dans celle du père Jacques Tessier.

Les parents étaient également invités à jouer :

Par exemple, s’ils repéraient le rayon où le lard est à son meilleur prix - ce qui ne veut pas dire là où il est le moins cher, précisait ce fin diseur - en moins de 40 secondes, ils en gagnaient 25 kg plus un bon d’achat.

Par contre, s’ils perdaient, ils devaient faire un rodéo sur le cochon géant qui trônait à l’entrée.

Tout ce qui aurait plu à Cayetana, notre collègue la duchesse d’Albe.

C’était vraiment chouette ;  tout le monde s’amusait, on rigolait bien, on mangeait sur place des «schwenks»,  une sorte de côtes de porc marinées dans du paprika, des saucisses blanches grillées sur des BBQ électriques ou des «knacks», saucisses de viande enfouies dans de la baguette congelée.  

La journée se passait ainsi en famille et puis, en fin d’après-midi quand on commençait à bien se geler les miches, tout le monde rentrait dans son « block » pour le café-gâteaux de cinq heures.

Bien loin de la ferrade de la CGT chez Bilhau ou de ce que devait adorer l’insupportable Odette Mongein, qui, il y a bien longtemps, tenait la caisse de «La Grande Bourse» avec l’élégance maniérée d’une strip-teaseuse du «Marinella».

Magnifique, irréelle et décalée.

Voilà « La semaine du porc » de St-Avold, en Moselle.

Magnifique irréelle et décalée comme le serait une expo rassemblant sur les cimaises prétentieuses de la galerie Katia Granoff de la rue du Fbg St Honoré un dessin de Juju, une contre-affiche d’Eddie et une empègue de Swan Soto ou  comme le serait  une grosse et plébéienne empéguade au jaunâtre le jour où on remettrait à « L’Impé » la médaille de la ville à Jany Guillaud avec Morante comme padrino et Renaud Ripart comme testigo.

Car, « Hay gente pa’todo », non ?

Avec cette voisine d’en face et ce «Simply Market» de St-Avold, voici exhumés au soleil du Sud et exposés aux cornes de l’ironie deux souvenir lointains et un peu trashs de cette Moselle de novembre dont je me moque sottement aujourd’hui.

Souvenirs moqueurs, mais également souvenirs tendres d’une Moselle qui m’a merveilleusement bien accueilli et à laquelle je me suis attaché.

Souvenirs d’une Moselle que je n’oublierai jamais, d’une Moselle où j’ai des amis qu’un jour, si Dios quiere, je reverrai.  

Ce qui ne sera jamais le cas pour une faena !

Patrice Quiot