Vendredi 29 Mars 2024
DIVAGATIONS DE PATRICE
Mardi, 17 Novembre 2020

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Alicante 96...

« Voyager, c’est naître et mourir à chaque instant » Victor Hugo (Les Misérables - 1882, partie I, chap. 5).

C’est la Feria de la San Juan et c’est une fête de famille. La mer est bleue, l’accent y est doux et les filles souvent blondes. Il ne fait pas tout à fait chaud et entre amis on se promène lentement sur la rambla ombragée de palmiers qui longe la plage.

Dans les hôtels, on se baigne dans des piscines d’eau bleue agrémentées de douches tièdes. Aux terrasses des bistrots, sous les feuilles des bananiers géants, on sirote des horchatas en commentant la défaite de l’Espagne contre l’Angleterre.

Au loin, l’île de Tabarca et au-delà, le port de Carthagène.

Douceur de la Costa Blanca qui ne fait pas oublier l’injustice de la sécheresse qui, dès la sortie des faubourgs, désertifie le campo et ruine les paysans.

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Au centre de la ville et dans les barrios, à tous les carrefours, des hogueras, grandes allégories en carton auxquelles on mettra le feu le lundi soir dans un débordement festif de tribu païenne. Dans les barracas, sorte de casitas dont les murs sont en grillage, on mange du riz abanda, du riz alicantino, du riz noir, de l’espadon ou du thon qu’on arrose d’un mauvais vin blanc sec.

Guindés, presque mimés, les groupes folkloriques défilent au son de musiques militaires.

Assis sur des chaises pliantes en bois clair, les gens les regardent passer ; ils tiennent par la main des enfants déguisés.

Partout des fusées et des pétards.

De l’autre côté de la ville, quand on monte vers la citadelle, au bout de l’avenue San Vicente, les arènes.

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A l’extérieur, comme partout en Espagne, un peu de fraicheur, des piles de coussins, des bureaux officiels gardés par des vigiles, des bars qui servent de gigantesques gin-tonic, des placeurs à casquette et une odeur de savonnette qui se mêle à celle des cigares.

Dans les tendidos, des visages connus et des visages amis qu’on salue; de part et d’autre de la plaza, des immeubles chicos avec du linge aux fenêtres.

A Alicante, la liturgie taurine est jetée aux orties : Le palco est souvent dépassé, les alguaciles piètres cavaliers, les monosabios peu efficaces et la musique élémentaire.

Bon enfant, riant et débonnaire, le public va a los toros comme il irait à la fête foraine, sans réfléchir et magnifiquement libre.

Après le troisième toro, il goûtera d’empanadas, de figues et de turón.

C’est ça qui, pour lui, est important.

Pendant cet entracte peu mondain, les deux fois où il toréait, JM Manzanares fuma de multiples cigarettes, signa des dizaines d’autographes et embrassa des bébés et des poupons.

Le samedi, avec les Torrestrella, il fut beau, le lundi pour les Alcuruccén et ses vingt-cinq années d’alternative, il fut grand.

Nous, nous passâmes trois jours de vrai bonheur, d’autant que dans la voiture qui nous ramenait, je fus à deux doigts de gagner le concours de cante !

Patrice Quiot