Mercredi 24 Avril 2024
DIVAGATIONS DE PATRICE

sono09ph

Etranges palliatifs (1)...

La pharmacopée est une chose étonnante...

J’ai pu en avoir une idée il n’y a pas très longtemps avant que le pangolin ne soit mis au ban de l’humanité.

C’était  un vendredi vers les 22h40 de la noche.

Après une collation couscoussière de puta madre arrosée d’une paire de quilles de Rioja «Gran Reserva Especial » 2000 du Marqués de Murrieta, nous finissions la soirée en la plaisante compagnie d’un vieux skaï nativo de l’île de Skye, quand après avoir évoqué la hernie hiatale de ce pauvre Enrique, la discussion se mit à tourner autour du corps, de ses maladies, de ses dérives et, bien entendu, de façon corollaire, des médicaments idoines à assortir aux pathologies.

Je crois me souvenir que l’origine du thème venait du rappel de l’historique de mon appareillage auditif, conséquence d’une pression domestique qui me tannait le cuir en me répétant à longueur de journée et de soirée que j’étais sourd comme un pot et que cette infirmité supplémentaire me coupait de mon environnement social.

Ce dont, entre nous, je n’ai pas grand-chose à faire.

Un peu comme Morante aurait eu à faire d’une fatwa de l’empresa de Brocas les Forges à son encontre ou comme Gilbert Mroz et Michel Gilles auraient pris en considération les conseils d’une ligue de tempérance.   Mais bon.

Brave, obéissant et discipliné tel un novillero sin caballos devant un oukase de Ramon Valencia, je fus consulter un ORL qui, sur la base d’audiogrammes, courbes et tonterías de ce style, diagnostiqua  une « surdité normale pour un patient âgé ».

Appréciant l’élégance prosaïque de cette qualification de mon état par l’homme en blouse blanche et stylos dans la poche-poitrine de celle-ci, je lui demandais ce qu’il pensait de l’opportunité d’un équipement pour pallier ce défaut d’esgourdes vieillissantes.

Il resta aussi évasif que la blonde de Neuilly sur Seine en ce qui concerne les présidentielles de 2022, que Castex sur le protocole sanitaire à appliquer dans les écoles ou que le « Veremos » d’une empresa à un apoderado en me précisant toutefois que le sonotone ad hoc me coûterait à peu près 499.000 pesetas si j’optais pour un truc un peu différent de celui du professeur Tournesol (Tryphon de son prénom) ou de celui qui aurait pu équiper les feuilles de Joachim du Bellay, de Goya ou de Beethoven.

Fort de cet avis éclairé assorti de son estimation budgétaire, je mis mon donneur d’ordre au courant de la chose.

Sur la base du principe que le spécialiste consulté était un âne et que je devrais aller en voir un autre, le gouvernement resta intraitable et exigea un deuxième avis expert.

Un peu comme si à celui de Pepe Limeño, il convenait d’ajouter le point de vue de Manuel Criado «El Potra» pour faire la différence entre une becerra et un semental !

Le diagnostic second confirma celui de l’homme en blouse blanche et stylos dans la poche-poitrine, aussi bien en termes de pathologie que de budget prévisionnel, mais le gouvernement resta toujours aussi intraitable.

Bueno.

Mais, comme dirait Emmanuel Kant: « Que voulez-vous que la bonne y fasse quand le petit ne veut pas téter ? ».

Je rendis donc visite au prothésiste le plus proche accompagné de maman... au cas où je me perdrais dans les rues du pueblo.

La spécialiste es appareillage des esgourdes de vieux consulta avec une extrême attention les audiogrammes de l’homme en blouse blanche et stylos dans la poche-poitrine, ainsi que ceux du second, mais souhaita cependant me faire passer un troisième test encore plus pointu.

Exactement comme le faisaient au début des seventies les organisateurs du Sud-ouest lorsqu’il s’agissait d’envisager la programmation d’un torero français.

Aussi, Mémère Prothèse m’enquilla un gros casque sur ma grosse tronche et me demanda de bien vouloir répéter les mots que j’entendais.

Tu imagines, papa, la situation...

La jambe en fer, les binocles, la canne, la calvitie et le gros casque sur la  grosse chetron...

Mais bon.

Comme dirait Emmanuel Kant: « Que voulez-vous... »

La machine disait : « Le lapin » et moi je répétais : « Le lapin ».

La machine disait : « Le pantin » et moi je répétais : « Le pantin ».

La machine disait : « Le pipeau » et moi je répétais : « Le pipeau ».

Et ça durait et ça durait…

On aurait dit une faena de Toñete.

«  Le grésil », « le persil », «  le mouton », « le pompon »…

Putain, ça commençait à me plaire l’exercice.

Alors j’improvisais un peu :

La machine disait : « Le butin » et moi je répétais : « La putain »

La machine disait «  Le mollet » et moi hi, hi hi, je répétais : « Le poulet »

C’est vrai que je suis con, non ?

Le diagnostic tomba, aussi lourd que le couperet de Charles-Henri Sanson sur la tête de Capet ou un avis quand JP Crudo est au palco  :

«Légère déficience auditive dans les sons aigus compensée par une lecture labiale ».

Ce qui veut dire que j’étais un peu sourdingue, mais que je lisais sur les lèvres.

Figure toi, qu’en ce qui concerne les sons aigus, je m’en étais rendu compte depuis belle burette because ma fréquentation assidue des grandes hystériques autant aficionadas au rosé pamplemousse qu’à Marcos et en ce qu’il en est de lire sur les lèvres, j’en avais, dès l’âge de dix-sept ans, beaucoup appris d’une grosse cochonne un soir de bringue à Albaron.

Enfin, voilà.

Mémère Prothèse m’enquilla l’aide auditive Siemens contenue dans une jolie boite et me soulagea de 2 millions d’anciens francs.

Avec ma canne, mes lunettes, ma prothèse jambière, ma carte «Senior», elle a au moins l’avantage de compléter ma panoplie de vieux à laquelle il ne manque plus que le mouchoir à carreaux dégueulasse et le pyjama rayé avec la tache de pipi.

A suivre…

Claro…

Patrice Quiot