Jeudi 28 Mars 2024
DIVAGATIONS DE PATRICE
Samedi, 31 Octobre 2020

pq30

Alfred baroule à Madrid...

 Madrid, princesse des Espagnes,

Il court par tes mille campagnes

Bien des yeux bleus, bien des yeux noirs.

La blanche ville aux sérénades,

Il passe par tes promenades

Bien des petits pieds tous les soirs.

 

Madrid, quand tes taureaux bondissent,

Bien des mains blanches applaudissent,

Bien des écharpes sont en jeux.

Par tes belles nuits étoilées,

Bien des señoras long voilées

Descendent tes escaliers bleus.

 

Madrid, Madrid, moi, je me raille

De tes dames à fine taille

Qui chaussent l'escarpin étroit ;

Car j'en sais une par le monde

Que jamais ni brune ni blonde

N'ont valu le bout de son doigt !

 

J'en sais une, et certes la duègne

Qui la surveille et qui la peigne

N'ouvre sa fenêtre qu'à moi ;

Certes, qui veut qu'on le redresse,

N'a qu'à l'approcher à la messe,

Fût-ce l'archevêque ou le roi.

 

Car c'est ma princesse andalouse !

Mon amoureuse ! Ma jalouse ! Ma belle veuve au long réseau !

C'est un vrai démon ! C'est un ange !

Elle est jaune, comme une orange,

Elle est vive comme un oiseau !

 

Oh ! Quand sur ma bouche idolâtre

Elle se pâme, la folâtre,

Il faut voir, dans nos grands combats,

Ce corps si souple et si fragile,

Ainsi qu'une couleuvre agile,

Fuir et glisser entre mes bras !

 

Or si d'aventure on s'enquête

Qui m'a valu telle conquête,

C'est l'allure de mon cheval,

Un compliment sur sa mantille,

Puis des bonbons à la vanille

Par un beau soir de carnaval.

 (Alfred de Musset/ «Premières poésies »/1829).  

 Note du rédacteur

Oh !!!  Il s’est escampé Alfred, non ?

Sûr, il a dû rencontrer Simon et Robert !  

PS 1 : De santé fragile, mais surtout en proie à l'alcoolisme (pébron dans le lexique nimeño), à l'oisiveté (branleur dans le même) et à la débauche (festaïre dans l’identique), l’Alfred meurt de la tuberculose (à Pissevin on dit tubard) le 2 mai 1857 à 3h15 du matin (à peu près l’heure à laquelle fermait «Le Méditerranée» de Marius le dimanche de Pentecôte !), à son domicile du 6 rue du Mont-Thabor - Paris 1er* quelque peu oublié,  peuchère….

Cependant Lamartine, Mérimée, Vigny et Théophile Gautier assistent à ses obsèques en l'église Saint-Roch.

Ça, c’est de braves collègues et pas des ingrats comme il s’en trouve pas mal dans la faune taurine...

*PS 2 : En face, au 7, il y a un troquet qui s’appelle «Le Petit Bar» ; ils font manger à midi comme à «L’Aiglon», sauf que c’est moins bon et beaucoup plus cher !

Commentaire de texte :   Strophe 1 : En l’absence de George Sand, Alfred mate les gonzesses.

Strophes 2 à 7 : Il continue de le faire à la plaza de toros, le coquin, et se branle de ce qui se passe dans le ruedo….  

En plus à  la strophe 5, il te dit qu’elle est jaune comme une orange.  

C’est ce qu’en littérature on appelle « L’effet Ricard » !!!

Patrice Quiot