Vendredi 29 Mars 2024
DIVAGATIONS DE PATRICE

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Un recuerdo inglés at the end of the eighties...

 Points of view sur le costume de lumières

Par une belle et froide fin de matinée d’hiver au centre d’une petite ville de l’Essex, au Sud-est de Londres et dans le club très privé de l’ami John Pfeffer, on se mit soudain à gloser sur le costume de lumières.

Paradoxe des paradoxes et surréalisme confondus, l’Angleterre était visitée par l’Espagne et à 12.30pm, les pintes d’Adnams, de Greene King ou de Newcaste-Brown, sobreros tout à fait acceptables aux cañas de San Miguel, Mahou ou d’Estrella Dorada, libéraient sur le sujet un discours dont la nouveauté avait la tonicité que Constable peignait il y avait 150 ans, tout à côté, à Flatford-Mill.

Trois gros buveurs monopolisaient le vocabulaire pour essayer de circonvenir l’objet, l’imaginer et porter des commentaires sur la signification du vestido.

Betsy, la vieille dame aux yeux de bourrache émerveillée, Frank, l’architecte francophile et Gilly, plâtrier de métier et talonneur lors de ses tardes de gloire, s’affrontaient donc sur ce thème en ce lieu clos.

Tout d’abord et malgré leurs différences d’appréciation sur la nature et l’utilité de l’objet en question, ils étaient unanimes qu’un « costume » - que personne d’ailleurs n’avait jamais vu - ne pouvait être par nature que quelque chose de très beau, bien que complètement gay.

De toute évidence, il ne pouvait pour eux en être autrement. En effet, comment en toute logique, pouvait-on imaginer qu’un individu puisse s’affubler d’un habit aussi bizarre sans avoir des penchants identiques à ceux du roi Edouard II qu’à ces motifs le chef bourreau fit empaler par le fondement d’un fer rougi au feu et introduit dans le corps de ce pauvre Plantagenêt au travers d’une corne de bœuf ?

C’est vrai, convenaient nos amis, que quelque part il faut être un peu queer pour s’exhiber ainsi en public, bien que réagit Gilly le plâtrier, ce serait pire si le gars en question s’exposait de la sorte  uniquement en privé et que de toute façon, il était bien connu que les Espagnols comme les Français avaient un goût étrange pour les suppositoires.

Elémentaire, my dear Watson, et balle au centre !!!

Le tissu dont devait être fait le costume posait davantage problème et créait questionnement. En effet, si la soie avait l’avantage aux points, c’était essentiellement d’un point de vue idéologique car ce matériau noble associé aux sous-vêtements de même lignage venait conforter le caractère pervers de la vêture.

Cependant, comme le faisait justement remarquer Betsy, au prix de 37 livres sterling le yard chez Marks § Spencer pour les soldes de Noël, la soie pouvait difficilement faire l’affaire des plus pauvres des toreros qui pourtant s’habillaient. Il devait donc exister d’autres tissus qui pourraient aussi satisfaire les moins fortunés de cette drôle de profession. Alors, tous ensemble, ils entreprirent de descendre la gamme des textiles jusqu’au 100% acrylique, même s‘il leur fallut jouer le tie-break pour, dans un typique esprit consumériste britannique, s’arrêter sur le satin, la percale ou le drap qui semblaient le mieux convenir à l’activité, éliminant la laine because la chaleur, le fil because la fragilité et le lin because les plis.

Le plastique moulé évoqué par Frank l’architecte lui valut l’opprobre général et sans le droit à l’habeas corpus, il ne s’en serait sûrement pas sorti par une tournée accompagnée de chips parfumées au vinaigre et au sel.

Eclatement du pack des buveurs sur la couleur de la chose, bien que le clair dominât largement. En effet, si au poteau d’arrivée le rose bonbon cher à Ortega Cano et à la reine mère arrivait en tête, il était dead heat avec le vert amande qui sied si bien à Lady Diana et quelquefois à Miguelito Litri, sans oublier le paille, minoritaire mais bon troisième à une longueur ,ce qui aurait ravi Sánchez Mejías et la duchesse de Windsor.

Paradoxalement, le blanc, couleur pâle par excellence, était absent de ce nuancier. A mon étonnement, tous convinrent que tout d’abord le blanc n’était pas une couleur et que de toute manière, il était essentiellement et par nature réservé au cricket.

Il est certain que, dans l’imaginaire british, Espartaco ou Jesulín qui l’affectionnent particulièrement ne pouvaient rivaliser avec Ian Botham, sacré sept années consécutives meilleur bowler du monde après avoir en particulier, lors d’un test match contre les West-Indies, tombé sept wickets en vingt et un runs, ce qui, outre la une du « Daily-Mail » lui valut un OBE (Order of the British Empire) que lui remit officiellement le Prince Charles à Lord’s, le cricket ground londonien, Maestranza des amateurs de ce jeu dont la balle est faite de bois recouvert dit-on de peau de chien.

Dans cette appréciation de la couleur, je ne voudrais taire la position baroque de John, le patron du club, qui lui imaginait le costume dans une pure tradition vénitienne mâtinée d’apports andalous : velours d’arlequin, losangé, multicolore assemblé au cuir craquelé des cordonniers cordouans et au brocart des processions pascales, unissant ainsi dans un  même esprit du Sud, l’Italie à l’Espagne, la tarentelle à la saeta, le David de Michel Ange au temple submergé de l’Hercule gadéditain,  le rire à la convulsion.

Cette association m’avait troublé.

La fabrication du costume ressouda le groupe avec la même ardeur qu’une première ligne entrant en mêlée, les oreilles de mes amis, étant, exception faite de celles de Betsy, beaucoup plus rouges.

No problem en ce qui concerne le facteur du traje qui ne pouvait être qu’une femme, vieille, laide et surtout très inculte. La gentille Betsy pensait même que le travail fini, on lui crevait les yeux, ce dont je me gardais bien de la détromper.

Affinant cette perception, il s’avéra que cette femme se devait d’être un membre très proche de la famille du bullfighter : la mère récolta deux voix sur trois, la sœur ainée une, l’épouse du torero n’étant même pas mentionnée, dans la mesure où considérant que l’enfant mâle qu’elle aurait serait naturellement torero et que son tour de couturière venant ainsi plus tard, il n’eut pas été fair-play que la wife prit ainsi le rang de celle à qui la place revenait de droit.

The right woman in the right sitio, en quelque sorte !

Patrice Quiot

(NDLR : La suite de ce texte demain...)