Jeudi 28 Mars 2024
DIVAGATIONS DE PATRICE

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La maïsse du jeune con (Fake d’un texte mien)...

En parlant de lui, son oncle muet de Fournès disait en braille : « Ce jeune, il est vraiment con, mais il parle bien ! »

Le jeune con, né - comme Téji Savanier -  à Montpellier et supporter du PSG, grandit.

Il parlait à presque tout le monde, s’exprimait dans un registre plus ou moins large dans une syntaxe rarement parfaite et une grammaire normée NF C 15-100 qui sollicitait souvent les disjoncteurs installés sur ses circuits neuronaux ; en outre, il maniait avec une grâce d’éléphant les vides de la conversation courante.

En un mot, le jeune avait pour la maïsse un talent du même ordre que celui qu’avait pour la cuisine mon copain « L’Apache » dont l’élégante devise du restau qu’il tenait à Vergèze était : « Chez l’Apache, tout pour la gueule ! », ce qui n’empêchait nullement l’oncle muet de Fournès qui vieillissait plus mal qu’un pélardon  de répéter à l’envi : « Ce jeune, il est vraiment con, mais il parle bien ! »

Ainsi, le jeune orateur fit une petite carrière gardoise et jouit de la belle situation de nommeur officiel des lotos de l’Alliance Anti Corridas comme il se fit une belle réputation d’animateur fijo des repas du « Club des XXI » de Catherine Jorrot-Mingasso et des karaokés des peluqueras de St Florent sur Auzonnet.

On pensait même à lui pour remplacer Christophe Chay les jours où  le CC se couperait définitivement les rouflaquettes !

Pendant le confinement et pour entretenir sa verve langagière, le jeune con lisait tous les jours à voix haute les pages du dictionnaire du Scrabble, les règles de grammaire bantoue, les chroniques taurines de Del Moral, celles d’André Viard, les blagues de Jean-Marie Bigard, l’accord des verbes irréguliers suédois, « Le Réveil du Midi », des recettes de cuisine et des devis de carrosserie automobile.

C’est ainsi qu’un début de soirée d’avril 2020, alors que le jeune déchiffrait à la fenêtre de sa chambre la vulgate de la  recette des endives au jambon avant d’applaudir à l’heure des infos de Laurent Delahousse les héros qui te contrôlent les attestations, une passante l’entendit et l’écouta.

Elle s’appelait Ginette et rentrait à sa maison de la rue Bonfa après son cours de french-manucure qu’elle suivait avec la même assiduité que celle avec laquelle Neymar lit les « Mémoires » de Chateaubriand ou les chroniques de Dany Cœur...

Tout de suite, elle apprécia cette tessiture de voix qui lui rappelait celle de Pauline chantant « Amapola », cette voix faite pour expliquer à l’imparfait du subjonctif la dialectique du Simonet, la grogne des commerçants de la rue de l’Aspic, la scénographie urbaine de « Tango », le caractère parfaitement adapté aux boiteux des pavés du parvis des arènes ou les arcanes de la difficile fusion de la crème fraiche à la chaleur du four à chaleur tournante lors de la confection des endives au jambon.

Ginette aima immédiatement le jeune con mais, ne sachant comment se déclarer et, à défaut de pouvoir prendre le conseil éclairé d’Arlette qui se désista au motif qu’elle avait piscine, elle mit le masque qui allait bien, prit le bus de la ligne b21/Pont du Gard et alla à Fournès voir l’oncle pour entendre son conseil.

Flatté de la confiance que lui accordait Ginette, l’oncle muet lui offrit un longuet ainsi qu’un verre de carthagène, lui montra le callejón permanent dont l’avait gratifié Pierre Pouly en 1959 et se contenta de lui répéter en braille la seule chose que, de toute sa vie, il avait dite : « Ce jeune, il est vraiment con, mais il parle bien ! »

Cela la confirma encore plus dans son sentiment, mais ne lui permit cependant pas de l’exprimer.

Un peu dépitée et ne sachant trop que faire, elle alla voir sa cousine qui s’appelait Le Bourdiec, Encarnación de son prénom.

Cousine éloignée par la rama « Tabarly/Alan Stivell » de « La Princesa de Paris », la Encarnación exploitait un food-truck à Sommières dans le mazet que lui louait Sandrine Bonnaire qui, elle-même, en 1986, un soir d’hallucination en voyant passer la comète de Halley illuminant une faena de Paco Senda, l’avait acheté à Christian Lesur avec une partie du cachet de « Sans toit ni loi ».

Ginette expliqua tout à Encarnación : la grammaire, la syntaxe, les endives au jambon, Christophe Chay, les pavés des arènes, la dialectique de Simonet, l’oncle muet et l’amour qu’elle portait à ce jeune qui parlait à la fenêtre et qui applaudissait les héros.

« Flippe pas grave Ginette » lui répondit la cousine éloignée, « Je vais t’arranger le coup ; c’est simple, invite le jeune aux arènes, fends-toi de deux entradas auprès de Lulu, une pour lui et une pour toi, et je m’occupe du reste ; t’inquiète, ça va passer crème ».

Donc, forte des conseils d’Encarnación, Ginette invita le jeune et se fendit de deux billets à la plaza de toros nimeña et ensemble y allèrent voir un cartel typiquement Sud-ouest composé de  Christophe Aizpurua, Olivier Mageste, Dédé Prat, Jean-Louis Haurat, Philippe Burgain et Olivier Baratchart devant des novillos de Jean-Charles Pussacq, affiche qui, paradoxalement, ne fit pas le « No hay billetes » espéré.

Il était à côté d’elle, mais elle, sans voix, n’osait lui parler. Elle avait bien essayé en vain de le dérider un peu en lui racontant des blagues appropriées à l’endroit, genre « Pourquoi l’abbé Tis de Séville s’est vu refuser par l’évêque le concert de son groupe de chant au nom de Flammes and Co ? », « Et bé, pour cause de connotation diabolique, ma coune !!! »

Mais rien ne se passait, un peu comme ce fut quelques rares fois le cas pour Nîmes Olympique aux Costières, mais comme c’est  par contre  souvent le cas quand torée Miguel Ángel Perera.

C’est alors que la chose élaborée par la Encarnación se produisit.

Mais, chut,  taisons-nous et écoutons les témoins de l’événement :

-  « Lorsque j’ai vu le soleil qui rougeoyait, il était vers 18h 30, j’ai dit à mon voisin Bouzanquet : « Té, Marcel c’est curieux, aujourd’hui  le soleil se couche deux fois ! Ça doit être la faute des fusées ! »

-  « Nous étions en train de rectifier l’assaisonnement de la gardianne quand, avec Mme Bouziges, nous avons appris cette terrible nouvelle : La buvette des arènes est en feu  et  putain, ils se débarrassent des caisses de Ricard ! »

-  « Ce soir-là, un de mes vieux amis, André Gabourdès, tous les Nîmois le connaissent bien, est venu à ma maison. Nous habitions tout près, à côté des cycles Amblard. Viens vite, Dédé, je lui ai dit ; il y a la buvette des arènes qui brûle ! Nous sommes venus avec l’extincteur Sicli, mais trop tard…. Certains, comme moi, ne sont pas férus de toros et de jaunâtre, mais enfin ça nous a fait un peu de peine. Quant à Gabourdès, il ne m’a toujours pas rendu l’extincteur… »

Le jeune con comprit vite la sordide manœuvre.

Une copine de celle qui l’avait invité avait mis le feu à la buvette  afin que, profitant de la panique, la Ginette lui saute au cou, l’embrasse, lui roule une pelle et tout et tout, et qu’ainsi il se fasse mascarer et définitivement compromettre devant tous ces aficionados qui, c’est bien connu, aiment bien larguer…

Imaginant la dimension de cette essoine morale, il se mit à hurler debout au quatrième rang des Tribunes Spéciales:

« Elle a essayé de m’embrouiller ; sûr, elle ne doit pas aimer ma façon de parler et lui préférer celle de ces imbéciles de commentateurs sportifs du style de Marion Rousse qui est loin d’être au vélo ce qu’était Antoine Blondin ou celle de chroniqueurs taurins comme  « Artillero » ou « Luis de la Cruz » qui étaient aux toreros français ce que le RN est à l’œcuménisme ou encore celle de Jacques Joulin « Le Canard de Tyrosse » qui était au foie gras du Périgord noir ce qu’était Auguste Maquet à Alexandre Dumas.

La salope, elle veut m’embrouiller !

Pourquoi ? Et bé, moi je vous le dis pourquoi. Elle veut m’embrouiller cette mégère pour que je la mène à la mairie et puis après à Ste Perpétue, et ensuite au motif de nourrir les mistons pour que j’aille travailler chez Royal Canin à Vergèze et qu’ainsi j’abandonne mes activités de nommeur des lotos, d’animateur fijo des repas du « Club des XXI » et des karaokés des coiffeuses de St Florent sur Auzonnet et de prétendant au remplacement de Christophe Chay….

Jamais, jamais, jamais, tu entends, jamais… !!!

Garce !  Chipie! Méchante femme  venue sur terre juste pour faire le nombre ! »

Et c’est ainsi que droit comme le phare de la Gacholle, levant les bras au ciel comme le Ravi de la crèche, les joues gonflées comme l’ange Bouffarèu, dix fois plus énervé que Simon lorsque le palco refuse les oreilles aux impétrants de la tarde et hors de lui comme Daniel Peytavin la fois où Anthony Briançon prit son deuxième carton, le jeune con, né à Montpellier et supporter du PSG ensuqua la Ginette d’un coup du dictionnaire de Scrabble qu’il avait dans sa poche avant de l’exposer attachée nue aux grilles des arènes.

En outre et sous la menace d’un envoi définitif à Wuhan avec obligation d’y entretenir une manade de pangolins, il contraignit la Régine à entrer de façon irrévocable dans la cuadrilla du « Gato de Morón ».

L’affaire qui fit grand bruit dans le landernau fut la raison principale de l’annulation de la Féria de Pentecôte.

D’autre part, une source pétillante et bien informée m’informe que Didier Lauga, préfet du Gard, a fait verbaliser le jeune con de 135€ parce que, en plus de son forfait inexcusable à l’encontre de la Ginette, le crétin de Montpellier avait coché sur son attestation dérogatoire une case spécialement rédigée pour lui par le docteur JP Crudo et qui stipulait : « Déplacement impératif pour aller satisfaire un appel de la nature à la pissotière sous l’horloge du Lycée ».

Il avait raison l’oncle muet de Fournès : « Ce jeune, il est vraiment con ! »

Patrice Quiot