Vendredi 29 Mars 2024
CLEMENTE

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Rencontre avec le matador de toros Clemente avec qui j’ai pu m’entretenir pour évoquer notamment ses débuts, son alternative, ses premiers pas de matador, le confinement et son actualité...

Il y a une dizaine de jours, en présentant sur  ce site un sujet sur Marc Serrano à l’occasion d’un tentadero chez Dominique Cuillé, j’avais précisé que je présenterais Clemente, entre autres présents que je n’oublie pas. C’est aujourd’hui chose faite et vous pourrez lire ci-dessous le contenu de notre rencontre au cours de laquelle nous avons tenu à être le plus complets possible...

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« Ma passion est venue de mon père, un grand aficionado qui m’a emmené très tôt aux arènes, ce qui m’a permis d’assouvir mon aficion naissante. En outre, il était dans l’association des Bibliophiles Taurins et je me suis nourri aussi de livres et de cassettes, ce qui m’a permis aussi de vivre les toros au travers des images. Et à l’âge de neuf ans, je me suis mis devant mon premier veau... Ensuite, je suis allé apprendre les rudiments à l’école taurine d’Hagetmau tenue par Béatrice Brethes, c’est là où j’ai fait mes premiers pas, sans penser une seconde au professionnalisme. C’était un réel plaisir, je faisais le trajet depuis Bordeaux avec mon père, pour de bons moments que je partageais avec lui. Ma mère avait beaucoup plus de recul avec ça, du moins au début, et  plus tard, elle a compris que c’était ma passion et elle l’a mieux admis.

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Après deux années passées à cette école, je suis venu dans le Sud-Est où j’ai rencontré Hervé Galtier grâce à Fermín. Il a essayé de monter une structure, « El Toreo », pour me faire toréer, ça a plutôt bien marché dans la mesure où j’ai continué à prendre de l’expérience. J’ai toréé pas mal au campo et quelques mois avant de passer en novillada sans picadors, Fermín s’est mis derrière moi pour m’entrainer et me préparer pour ce jour-là. Il a alors codirigé ma carrière avec Hervé qui à l’époque était encore avec moi. On était alors en 2011 et j’ai commencé en non piquée à Garlin. En 2013, je suis passé en piquée, accompagné par Fermín, et l’année suivante a été la temporada au cours de laquelle j’ai le plus toréé, avec l’arrivée de Carlos Zuñiga. Il est venu avec moi grâce à mon triomphe d’Arnedo...

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Ensuite, c’est quelque peu retombé car ça été alors basé sur des arènes de plus en plus importantes. Par exemple, en 2015, ça a été trois fois Madrid, une fois Séville. Il y a eu quelques bons moments à Madrid, mais, le problème, c’est que je m’étais mis beaucoup de pression et j’ai toréé avec trop de réserve. Avec un novillo de Sánchez Dalp, je me suis senti a gusto, je l’ai bien tué, mais ce n’était pas suffisant car par timidité, il a manqué quelque chose... La deuxième fois, c’était pour San Isidro avec Roca Rey et Posada, j’avais touché un lot très compliqué avec lequel je ne m’en étais pas trop mal sorti, mais il n’y avait pas grand-chose à y faire. La veille, j’étais allé à Séville pour une novillada de Fuente Ymbro qui a résulté compliquée pour moi, je m’étais mis une grosse pression, je pensais que c’était une arène qui pouvait bien me comprendre. Or, j’ai vu que le public ne réagissait pas trop et ça m’a un peu déstabilisé... L’année suivante, j’ai connu quelques beaux succès, comme à Villaseca de la Sagra  où j’ai coupé deux oreilles à un novillo de Baltasar Ibán, mais aussi à Moralzarzal où j’ai coupé trois oreilles, et encore en d’autres endroits... L’année suivante, donc en 2016, j’ai commencé ma saison en coupant huit oreilles, quatre à Zamora et quatre autres dans la province, ce qui a contribué à ce que Zuñiga décide de me faire prendre l’alternative. On en parlait déjà l’année précédente, mais il ne sentait pas l’obligation d’aller aussi vite.

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L’alternative à Zamora a été quelque chose d’important, le jour de San Pedro Regalado. Cayetano a été très sympa avec moi, il m’a réservé un long brindis, avec Alberto López Simón de témoin. C’était l’arène de mon apoderado, remplie à moitié, pour une corrida importante de Sánchez Arjona et ça a représenté pour moi la belle journée en laquelle je fondais beaucoup d’espoir, avec à la clé une sortie a hombros  en compagnie de mon parrain !

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La même année, j’ai fini ma temporada à Santoña avec une blessure à mon premier toro qui m’a privé d’un triomphe potentiel, aux côtés encore de Cayetano et de José Garrido, puis j’ai attaqué 2017 où je devais toréer une corrida à Alcazar de San Juan qui en définitive a été annulée à cause des intempéries. Puis j’en ai toréé une autre à Sahagún del Campo, une corrida qui s’est plutôt bien passée,  mais pas triomphale pour autant. Le problème a été ensuite que le père et le fils Zuñiga se sont fâchés lors d’une année qui aurait dû être pour moi celle de mon lancement et qui en fin de compte a été celle d’une descente aux enfers ! Résultat, en 2018, j’ai pris la décision de laisser Carlos qui m’avait plusieurs fois promis de partir au Mexique et qui en outre, avait pris aussi Morenito de Aranda contre qui je n’ai rien, mais je ne comprenais pas pourquoi il toréait alors que ce n’était pas le cas pour moi... Dans la précipitation, est arrivé El Boni qui a essuyé plusieurs refus et qui a rapidement décidé d’arrêter. C’était même compliqué pour trouver un tentadero, mais il n’a pas tenu à s’employer à 100% et avec Fermín, on a essayé de reconstruire un peu mon image, de bien s’entrainer au cas où il se passerait quelque chose et après de prendre le téléphone pour maintenir l’ambiance et signaler que j’étais toujours présent...

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En 2019, j’ai toréé à Saint-Sever aux côtés de Sébastien Castella et Thomas Dufau, toros de Victoriano del Río. Je me suis senti bien, mais le descabello a fait retomber l’impact. Les gens ont vu un  Clément peut-être changé, ça faisait quatre ans que je n’avais plus toréé en France, donc ils ne s’attendaient peut-être pas de me voir à ce niveau et pour moi il  y a eu quand-même pas mal de positif. Vivre quatre années en Espagne pour au final ne pas comprendre la situation et te sentir quelque peu abandonné, n’a rien d’évident. Mon statut avait changé, mais par la suite, plus personne ne savait rien de moi. L’idée directrice a donc été de me reconstruire en tant que torero et d’être prêt à chaque instant à saisir toute éventualité qui se présenterait. Avec Fermín, après cet éloignement, il a fallu que l’on se retrouve et que je  dérouille ce que j’avais un peu encrassé en Espagne où j’étais probablement devenu un peu trop mécanique ! Là, je suis revenu à un peu plus de pureté, de profondeur, et surtout, dans quoi je me comprends, ce qui s’est ressenti car devant le bétail, ça a bien répondu, j’ai retrouvé beaucoup de sensations et de plaisir. Je n’ai pas les moyens de me remettre tous les jours devant un toro, mais ce que j’ai pu réaliser au campo s’est avéré positif. Je n’étais pas perdu, même si à cette époque, le 15 août, on en était à s’entrainer de salon ! Il fallait garder l’espoir et je l’ai toujours eu en moi...

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Cette année, est arrivé le coronavirus et une longue période de confinement, mais paradoxalement, ce n’est pas quelque chose qui m’a beaucoup gêné ! J’étais très bien accompagné et je n’ai pas voulu perdre mon temps. Je ne me suis pas vautré sur un canapé pour regarder sans cesse la télé, non, j’ai continué à m’entrainer, à faire du sport, et je me suis bien dit que ce n’était pas le moment de baisser les bras ! En définitive, ça a représenté la meilleure chose qui pouvait m’arriver car ça a constitué une excellente préparation au quotidien.

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Après les deux mois de confinement, il y a pas mal de choses positives qui sont arrivées, puisque en rentrant d’un entrainement, Marco Leal m’a demandé si ça m’intéressait de lidier huit toros chez Yonnet ! C’est là où ma saison a commencé au campo, je ne m’y attendais pas et ça a représenté une grosse préparation. Sur le moment, je n’ai pas forcément réfléchi, c’était  pour moi un luxe dans un contexte où j’essayais de trouver des toros et ça s’est bien passé car je me suis arrimé à fond ! Je me sens bien dans ma tête, dans mon corps et dans mon toreo, même si on aurait pu penser que ce n’était pas le genre d’élevage qui pouvait vraiment me convenir. Toutefois, je reste persuadé qu’un toreo artistique peut aussi convenir face à des toros réputés durs ! Bien sûr, il faut profiter de ceux qui sont peut-être plus suaves, mais il faut aussi faire avec les autres. Je pense d’ailleurs que les grandes figuras ont été aussi amenés à les prendre. C’est comme ça qu’on avance et pour moi, dans la période que je traverse, c’est déjà énorme...

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Brocas ? Ce que je peux dire, sans aucun esprit polémique, c’est que je m’étais mis d’accord avec Marlène Fasolo, c’est pour ça que je n’ai pas compris pourquoi c’est quelqu’un d’autre qui a répondu à notre communiqué. Après, j’ai eu Marlène au téléphone et ça s’est très bien passé. Je lui ai expliqué mon point de vue, lui disant qu’elle avait fait des erreurs, notamment par manque de communication envers les toreros, pour les mettre au courant de ce qui se passe. Au départ, je partais pour une fiesta campera avec Alberto Lamelas et je n’ai appris que par la presse que ce serait Christian Escribano qui le remplacerait. Ensuite, il a été question d’alguazils, de présidence, ce qui s’éloignait du simple concept d’une fiesta campera. Dans la mise au point qui a été faite, il a juste été fait mention de notre position, à savoir que l’on était intéressé par une fiesta campera, donc sans obligation de s’habiller, sans responsabilité de trophées... Ce que je n’ai pas compris, c’est que l’on puisse annoncer une fiesta campera quand en réalité on veut faire un festival. Ça ne va pas plus loin que ça, Marlène m’a dit qu’elle s’était laissée un peu déborder par les événements, avec la pression du syndicat des professionnels. Je l’ai très bien compris et je lui ai simplement dit que lorsque l’on organise quelque chose, il faut être très clair sur le type de course.

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Concernant la perspective de la suite d’une temporada qui n’a jamais vraiment commencé, je pense que chez nous, tout va être assez compliqué et qu’en définitive, la voilure va être sûrement sérieusement réduite. Et en Espagne, ce qui est le plus inquiétant, ce n’est même pas le fait qu’il n’y ait que très de courses, mais  surtout que les seules corridas qui aient été montées pour le moment sont celle d’Ávila... et l’aficion a trop peu répondu ! Cela dit, il faut bien se mettre en tête que tous les genres de spectacles sont menacés et que l’on vit encore dans l’incertitude. Quelques emresas se sont lancées dans l’aventure, mais il faut bien reconnaitre qu’où que ce soit, il est difficile de monter des courses formelles avec la contrainte des normes en vigueur... Il faut tout de même essayer de trouver un avenir et essayer de faire quelque chose pour l’an prochain. Et s’il y a des courses en 2021, il me faudra essayer évidemment d’en faire partie ! »

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En faire partie, un leitmotiv bien ancré dans le mental de Clemente à qui on va souhaiter de se repositionner au mieux sur l’échiquier français. Avec suffisamment d’oreilles pour convaincre les décideurs...