Jeudi 28 Mars 2024
HUBERT YONNET

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Retour sur la présentation des toros de Hubert Yonnet en Espagne…

 OURIVA ET BEAUDUC : TOROS HISTORIQUES

Dimanche 21 juin 1987, Barcelone sent encore la TNT, le sang, la poussière et la mort. 48 heures auparavant, des terroristes de l’ETA ont posé une bombe dans le parking souterrain du supermarché Hipercor de l’avenue Méridienne. Résultat : 21 morts ; tous les balcons de cette grande avenue qui mène jusqu’à la Monumental arborent les couleurs jaune et rouge de l’Espagne et de la Catalogne en signe de deuil.

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Du coté de la Gran Vía de Corts Catalanes, ce sont les couleurs bleu, blanc, rouge qui prédominent. Toute la Camargue, du Paty de la Trinité à la halte des Charlots, des Salins à Saliers est réunie dans la cité Comtale. Hubert Yonnet et Françoise y présentent une corrida de toros après avoir tenté le coup, lors de deux novilladas en août 79 et juin 80.

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Des toros adultes d’une présentation majestueuse et aux noms qui mêlent les senteurs de la saladelle, du Vaccarès, de la Salicorne et du ferry du Bac du Sauvage. Jugez plutôt ; Pébre, Faraman, Belugo, Catalan, Barcarin et Ouriva. Ce dernier, sur les coups de 17h46, en sortant en première position, grave son nom à tout jamais dans l’histoire du toro bravo de Camargue. Il est le premier toro de 4 ans lidié en Espagne. Les hommes pour les affronter ? Dámaso González, José Luis Galloso et Nimeño II.

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Voici en quelques lignes comment Pierre Dupuy relata, dans la revue « Toros », le combat de ce bel et brave animal « Made in Camargue » :

« Ouvira » numéro 138, né le 12 mars 1983 à la Belugo, pèse 534 kilos. Il est superbe, bien armé, mais sa corne gauche est escobillada, accidentellement bien entendu car la droite est astifina comme le seront les défenses des autres bêtes du lot. Il fait son petit tour de reconnaissance et s’engouffre sans problème dans la cape de Dámaso González qui recule prudemment la jambe sur chacune des ses véroniques : avec ces Français, on ne sait jamais ! Le toro prend la première pique avec bravoure et se retrouve évidemment en carioca. On proteste, on fait le quite et on laisse la bête à 7 ou 8 mètres du cavalier. « Ouvira » charge et pousse, mais il coupe son effort assez vite et se laisse éloigner volontiers. On répète la manœuvre et le toro chargera à nouveau, toujours d’assez loin, pour se laisser dégager également rapidement. On respire, le pari est gagné, le « toros français » est brave. Voyons donc s’il est noble. Il charge avec vivacité sur les banderilleros et fait face à Dámaso qui vient brinder sa mort au public. Quelques derechazos pour tâter le terrain : le toro va et vient et il répète avec alegría. Ça démarre remarquablement : deux naturelles très belles, à nouveau plus une liée au pecho. Le toro boit le leurre, bouche cousue. Et puis tout bascule dans le clinquant : culerinas, un genou à terre, bilbaïna inversée, pendulos à répétition… una pena ! Deux pinchazos, un metisaca, une atravesada… otra pena ! Ouvira résiste ; un avis sonne ; un descabello raté, un vilain geste de dépit : le toro tombe enfin. Un excellent toro ; un toro qui aurait pu prétendre à la vuelta avec, sans doute, plus de constance sous le fer. Grande ovation à sa dépouille.» 

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4 ans plus tard, le 4 août 1991, ce sera au tour de « Beauduc », numéro 717, né en avril 1987 et pesant 566 kilos, de rentrer au panthéon du toro de France. Ce jour-là, les Yonnet prennent leur ancienneté à Madrid dans le chaudron de Las Ventas.

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Le 4 août 1789, la célèbre « nuit du 4 août » en pleine Révolution Française, on décidait d’abolir les privilèges. En ce 4 août 1991, curieux clin d’œil à l’histoire, pour la première fois un élevage français se présentait dans la capitale du Royaume d’Espagne, sous les yeux de la Comtesse de Barcelone, présente dans sa loge royale, et mettait fin à un autre privilège jusque là réservé à la Péninsule Ibérique. L’expérience ouvrait une voie royale à d’autres ganaderos de France.

« O fán de pute », comme on dit entre deux verres de Ricard, du côté de chez Neri à Sylvéreal ou du Mazet du Vaccarès chez Néné et Hélène, que l’histoire du toro de France est belle !

C’est pour cela qu’il faut en être solidaires !

Jean Charles ROUX