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Samedi, 08 Juin 2024
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Un guiño a Cayetana… (2)
 
Luis Martínez de Irujo y Artazcoz sera le père des cinq fils de la duchesse d’Albe : le duc de Huescar, le duc de Hijar, le comte de Siruela, le marquis de San Vicente del Barco, et le duc d’Arjana, ainsi que d’Eugénie, sa fille, duchesse de Montoro, tous membres actifs de la société espagnole, banquiers, économistes, éditeurs, juristes, artistes ou cavalier célèbre comme le duc d’Arjana, Cayetano Martínez de Irujo.
 
Vie mondaine au palais de Liria, détruit par l’aviation franquiste durant la Guerre d’Espagne, mais reconstruit par les soins de Cayetana à la suite de la mort de son père.
 
Après le palais royal, le Palacio de Oriente, le Palacio de Liria est la plus somptueuse demeure de Madrid où les Albe conservent des œuvres d’une richesse inouïe accumulées au cours des siècles ; entre autres : La première édition de Don Quichotte, la première carte de l’Amérique de Christophe Colomb, le testament de Ferdinand le Catholique, des œuvres de Goya, Velázquez, Rubens, Rembrandt, Picasso, Renoir ou du Titien…
 
Amitiés internationales (Grace de Monaco, Audrey Hepburn, Charlton Heston, Jackie Kennedy, Yves Saint-Laurent…), liens durables avec les artistes dont Picasso qui voulait peindre Cayetana nue à l’instar de Goya représentant en “maja desnuda” sa maîtresse et 13e duchesse d’Albe, María del Pilar Cayetana de Silva y Álvarez de Toledo ; concerts, expositions, maternités, la vie de la duchesse d’Albe, à qui la télévision espagnole consacra une première émission en 1966 avant de porter sa vie sur le petit écran avec le film “Duquesa”, sa vie, à l’entendre, fut une vie normale.
 
Quand meurt son premier époux, la duchesse d’Albe jette son dévolu sur un ancien jésuite au nom prédestiné, Jesús Aguirre y Ortiz de Zarate, chose qui fait jaser dans l’Espagne de 1978.
 
Cette année-là, Pedro Gutiérrez Moya «El Niño de la Capea » terminait la temporada en tête de l’escalafón avec 80 corridas.
 
Veuve une seconde fois, elle causera un autre scandale en épousant à 85 ans un tendron sexagénaire, Alfonso Díez y Carabantes, malgré l’opposition farouche de ses fils qu’elle vaincra en leur accordant à chacun quelque 110 millions d’euros, en distribuant ses palais, ses innombrables propriétés, ses domaines, composantes d’une fortune qu’on évalue aujourd’hui entre 2 et 3 milliards d’euros.
 
Une fortune incalculable en fait quand on songe aux collections des Stuart-Fitz-James, à l’immensité de leurs domaines.
 
A Séville, cité qu’elle a tant aimée, elle qui était folle de flamenco et de courses de taureaux, de musique andalouse et de sevillanas, elle qui n’hésitait pas à danser dans la rue avec cette décontraction dont l’aristocratie espagnole fait volontiers preuve au milieu du peuple.
 
Bien des Espagnols en avaient fait une icône. Parce que le peuple adore ceux dont il est irrémédiablement éloigné. Parce qu’elle était fantasque, familière, dotée d’un caractère entier et d'une intelligence fort moyenne ; parce qu’elle jouait à être proche des petites gens, qu’elle se dévouait à des œuvres humanitaires, à la conservation du patrimoine, ce qui est bien le moins quand on jouit d’une telle fortune et qu’on a bénéficié de surcroît d’énormes fonds de la Communauté européenne dans le cadre de la politique agricole commune.
 
En découvrant le patrimoine de la famille ducale et en ouvrant ses archives au public, en créant la Fondation “Casa de Alba” dont la gestion est confiée à ses fils, Cayetana Stuart-Fitz-James y de Silva a assuré la pérennité de ce patrimoine fabuleux comprenant des documents inestimables, des œuvres de Ribera, Murillo, Zurbarán, Velasquez, Goya, Zuloaga, de Fra Angelico, de Rubens ou du Titien, d’Ingres, de Corot, Renoir, Chagall ou Picasso. Jusqu’aux portraits de Napoléon III et de l’Impératrice Eugénie peints par Winterhalter.
 
La Ville de Séville avait fait de la duchesse d’Albe sa “Hija Adoptiva” en 1966. Quarante ans plus tard, en 2006, l’Andalousie lui donnera le titre de “Hija Predilecta”.
 
A son décès le 20 novembre 2014, pour lui rendre hommage la municipalité sévillane a décrété une journée de deuil officiel  (la ville d'Alba de Tormes en a décrété trois), a ouvert l’hôtel de ville de la capitale andalouse afin d’aménager la chapelle ardente abritant le cercueil ducal recouvert des armes de la Maison d’Albe et du drapeau espagnol frappé des trois fleurs de lys de la Maison de Bourbon.
 
Cette année-là, Juan José Padilla occupait la pole position de l’escalafón avec 67 corridas.
 
Devant la dépouille de Cayetana Stuart-Fitz-James ont défilé près de 80.000 personnes venues rendre hommage à la duchesse dont le corps sera incinéré.
 
Ses cendres seront déposées d’une part dans la chapelle de la Fraternité des Gitans, en l’église del Valle, à Séville dont elle avait contribué à financer la restauration et d’autre part dans le mausolée des ducs d’Albe, près de Madrid.
 
Cayetana avait composé son épitaphe ; laconique et suprêmement orgueilleuse dans sa simplicité :“Aqui jace Cayetana, que vivio como sintio.
 
Elle aurait pu convenir à un torero…
 
Patrice Quiot