Samedi 27 Avril 2024
PATRICE
Mardi, 12 Mars 2024
dub12pk
 
Quand le grand Jacques évoque l’aficion d’Albert…
 
Dubout…(1)
 
« En 1924 le jeune Albert Dubout écrit à Louis Feuillade le réalisateur de "Fantômas", “Les Vampires”, “Judex” entre autres films. Dubout a 18 ans, il vient de s’installer à Paris après dix-huit mois d’études aux Beaux-arts de Montpellier. Feuillade originaire du midi, de Lunel plus précisément, est célébrissime. Il a 51 ans, il vit à Nice, il va mourir d’une péritonite l’année suivante. Il est surtout très “ aficionado ” et même plus que cela. Il a, au début du siècle et jusqu’en 1907, publié régulièrement des chroniques taurines dans l’hebdomadaire nîmois “ Le Torero ”. C’est à ce titre, d’écrivain taurin, qu’Albert Dubout l’a contacté en lui demandant un texte pour une revue tauromachique “ La Sangre ”, “ Le Sang ” qu’il envisage de créer avec des amis. Feuillade lui répond le 24 avril par la négative. Certes, il aime toujours la corrida et veut la défendre, mais il a maintenant “ décroché ” de l’actualité tauromachique. Il en est resté aux grands toreros de son époque, Guerrita, Reverte et ne connaît plus les “ maestros ” du jour. De plus, le titre de la revue ne lui paraît pas opportun après ces années de guerre “ et tant de sang répandu ”. “ N’allez pas encore donner des armes à nos ennemis qui ne sont que trop disposés à voir dans tout aficionado un buveur de sang… Evoquez au contraire le soleil, la couleur, le courage, la poésie de la corrida, ses jeux, ses élégances, ses grâces. ” En 1924, au moment où il part tenter sa chance à Paris où il va bientôt illustrer Carmen pour les éditions Kra dirigées par l’écrivain surréaliste Philippe Soupault, Dubout est un partisan plus que fervent de la course de taureaux qu’il dessine et sur quoi aussi, il écrit. En 1952 dans une interview donnée, lui qui en donne si peu, au journal “  le Soir ” de Bruxellesà il expliquait qu’a l’âge de 5 ans il dessinait déjà des taureaux et que tout jeune et habitant à Nîmes il avait fait une fugue pour, muni d’un sac de pommes de terre en guise de cape, tenter de donner des passes à de mauvais taureaux de Camargue ou à de récalcitrantes vachettes dans les arènes des Saintes Maries de la mer. Exact. Albert Dubout, lycéen à Nîmes au tout début des années 20, a une vocation de torero. Comme beaucoup de jeunes Nîmois et à l’époque en compagnie de son compagnon de classe le futur peintre et graveur Lucien Coutaud, Dubout est fasciné par le monde de la corrida dont il a subi dans son enfance et selon ses propres termes “ l’éblouissement ”.
 
Il s’entraîne à donner des passes à blanc sur l’esplanade nîmoise, se fait photographier à la barrière des arènes, se frotte aux vachettes des fêtes votives, y compris à Montpellier dans les arènes en bois et maintenant disparues de l’usine à gaz, rue de la Méditerranée. Il joue même les “ maletillas ”, ces vagabonds apprentis-toreros de l’Espagne de la faim et du baluchon qui tournent entre les élevages et les villages en fête, entre les coups de fusils des gardes et le refus méprisant des éleveurs pour tenter, souvent la nuit et clandestinement, de soutirer des passes hasardeuses aux toros de combat surveillées comme les joyaux de la couronne. Evidemment, les Saintes Maries de la mer, malgré la férocité des moustiques et le képi de son garde-champêtre, n’ont pas la sauvagerie de la “ marisma ” du delta du Guadalquivir et la bourlingue du jeune Albert est purement régionale. 40 kilomètres à tout casser. Mais il y a mis les formes. Il a 17 ans et on est très sérieux quand on a 17 ans, qu’on rêve de tauromachie, que la tauromachie alimente complaisamment les désirs adolescents d’aventure et de transgression et que l’on pense à l’idole de l’époque, le stupéfiant Juan Belmonte dont le pathétique statisme vient de bouleverser l’art de toréer. On peut imaginer que le jeune Albert échauffé par la légende de Belmonte partant toréer la nuit et nu les redoutables toros qui paissent à Tablada, au sud de Séville, a voulu en transposer la geste.
 
Texte extrait de " Dubout  Tauromachie œuvre peint" 
 
Éditions Noème  2001
 
A suivre…
 
 
Patrice Quiot