Mercredi 08 Mai 2024
PATRICE
Jeudi, 28 Septembre 2023
 guad27pk
 
L'élevage des taureaux de combat dans la vallée du Guadalquivir… (2)
 
« Plusieurs sources permettent de nous faire une idée de l’importance des fêtes taurines à l’époque et de l’influence qu’elles eurent sur l’orientation de certaines exploitations agricoles vouées de plus en plus à la production de taureaux pour le marché. 
 
Nous faisons allusion au Cadastre de Ensenada élaboré dans les années 1750 pour évaluer la richesse de la Castille afin d’instaurer un nouvel impôt, l’Unique Contribution, et au mémoire que commanda le comte d’Aranda, président du Conseil de Castille afin de connaître le nombre de troupeaux de vaches et de taureaux ainsi que de spectacles taurins dans chaque municipalité du royaume. Les livres de comptes de la Real Maestranza de Caballería de Séville, conservés dans ses archives, où sont enregistrés tous les achats de taureaux effectués par cette institution, avec l’indication du nom du vendeur et du prix.
 
Enfin, on ne peut négliger les archives notariales où figurent de nombreuses références aux éleveurs, des inventaires de biens, écritures d’achats-ventes et contrats de location de domaines ruraux. Cette prolifération de sources sur l’élevage des taureaux de combat au XVIIIe siècle contraste avec leur rareté aux époques précédentes.
 
Dans la réponse donnée par le royaume de Séville au questionnaire du comte d’Aranda, et qui fut élaborée par l’intendant don Pablo de Olavide, est mentionnée la célébration de corridas à Cadix, durant lesquelles 120 taureaux furent combattus en 1768, au Puerto de Santa María avec 100 taureaux, à Séville 86 taureaux, à Carmone 34 et à Algésiras et Arcos, 20 chacune.
 
En sus de ces fêtes institutionnalisées, on donnait des festivals dans différentes localités, de manière irrégulière. C’est ce que l’on observe dans la réponse de Morón de la Frontera où l’on dit que « dans cette ville, on ne donne pas de corridas de taureaux avec mise à mort, mais, avec licence de la municipalité, on tue deux ou trois taureaux appartenant aux éleveurs de la ville. » 
 
Les livres de comptabilité de la Real Maestranza de Caballería de Séville sont le document le plus important sur la célébration de fêtes taurines : on y mentionne l’acquisition par la Real Maestranza de 4 224 taureaux provenant de 302 fournisseurs entre 1730 et 1800. 
 
Une partie d’entre eux présente des caractéristiques semblables à celles que nous avions constatées aux siècles précédents puisque plus de la moitié de ceux qui vendent des taureaux à la Maestranza le font de manière occasionnelle et se contentent de vendre un ou deux animaux de temps à autre. Mais, d’un autre côté, commencent à apparaître quelques fournisseurs qui vendent des dizaines et des centaines de bêtes de façon régulière, ce qui permet de leur attribuer le qualificatif d’éleveurs de taureaux spécialisés.
 
Parmi eux se détachent quinze individus qui vendent près de deux mille taureaux à la Maestranza, soit près de la moitié de ceux qu’elle achète au XVIIIe siècle.
 
Parmi ces grands éleveurs figurent des membres de l’oligarchie locale, généralement liés en tant que membres à la Maestranza, mais il faut signaler la présence de quelques institutions monastiques et aussi un groupe d’éleveurs résidant dans des localités proches de Séville, notamment ceux d’Utrera. Parmi eux apparaissent quelques noms qui vont occuper une place de choix en étant à l’origine des élevages modernes, comme ceux de Maestre et Ibarburu à Séville, Ulloa et Domínguez à Utrera ; ou aussi quelques nobles titrés comme le marquis de Vallehermoso, le comte del Águila ou le marquis de Tablantes, entre autres. 
 
Parmi les ecclésiastiques, des monastères comme la Chartreuse et le couvent de Santo Domingo de Jerez, le collège de jésuites de San Hermenegildo et le couvent dominicain de San Jacinto, ces deux de Séville. Et signalons enfin, au sein du clergé, un personnage singulier, Pedro Manuel de Céspedes, un des principaux fournisseurs de la Real Maestranza, que fut chanoine de la Cathédrale, recteur de l’Université et l’un des fondateurs de la Société Royale des Amis du Pays de Séville. 
 
C’est à la fin du XVIIIe siècle et au commencement du XIXe que se sont formés les grands élevages sévillans qui furent à l’origine des lignées de taureaux de combat, ce que l’on appelle les « castes fondatrices ».
 
Nous voulons parler des grands éleveurs d’Utrera, le comte de Vistahermosa, et Rafael Cabrera y Angulo, et du sévillan Vicente José Vázquez y Adorna, comte de Guadalete, dont les troupeaux comptaient des milliers de têtes. »
 
A suivre…
 
Patrice Quiot