Mercredi 08 Mai 2024
PATRICE
Mercredi, 27 Septembre 2023
guad27pk
 
L'élevage des taureaux de combat dans la vallée du Guadalquivir(1)
 
« Les premières données disponibles sur l’existence de taureaux dans cette vallée datent des XVe, XVIe et XVIIe siècles. Déjà, au milieu du XIVe siècle, 17 taureaux figurent dans le troupeau de l’exploitation agricole, sise à Lebrija, d’un échevin sévillan, le jurat Fernán García de Santillán, entre 1358 et 1366.
 
Enrique Otte a pu repérer, dans les actes notariés de Séville, la vente de presque 200 taureaux adultes ou âgés de quatre ans dans la première moitié du XVIe siècle. 
 
Pour la province de Jaén, les mentions de taureaux sont également abondantes, comme celles qui apparaissent dans les chroniques du connétable de Castille don Miguel Lucas de Iranzo, datant de la seconde moitié du XVe siècle, où l’on voit ce seigneur ordonner que l’on fasse venir des taureaux de ses terres pour la célébration de « jeux de taureaux».
 
Déjà dans ces premiers documents, la présence de taureaux est mise en relation avec la célébration de spectacles taurins et de jeux avec taureaux. Dans les Papiers du Majordome de la municipalité de Séville, est mentionnée l’acquisition de plus de 200 taureaux par cette institution pour célébrer diverses fêtes dans la ville au XVe siècle et commencement du XVIe. Une bonne partie de ces animaux provenaient de municipalités voisines de Séville, comme Utrera et Alcalá de Guadaira, où se trouvaient de vastes exploitations agricoles ou des fermes (cortijos) qui élevaient des bœufs de labour. C’est une information similaire que fournissent les actes notariés de Jaén, où figure l’acquisition de 64 taureaux à des éleveurs de cette ville pour célébrer des festivals taurins à Grenade et dans quelques municipalités de la province de Jaén, tout au long du XVIIe siècle . Ces taureaux, comme ceux du connétable Iranzo cité plus haut, étaient originaires des zones montagneuses qui bordent la vallée du Guadalquivir.
 
Ces acquisitions présentent une série de caractéristiques communes. Entre autres, l’absence de spécialisation de ces fournisseurs de taureaux qui se livrent à cette activité de manière ponctuelle, en correspondance avec l’éventualité de la célébration des festivals taurins, qui n’étaient montés que pour commémorer des événements extraordinaires. Et c’est ainsi que ces fournisseurs apparaissent seulement en quelques occasions, vendant un ou parfois quelques taureaux dans chaque cas. La plupart d’entre eux restent dans l’anonymat comme ceux qui cèdent les animaux à la municipalité sévillane, dont on connaît le nom pour seulement un tiers d’entre eux. 
 
Souvent, les procédures d’acquisition ne sont pas celles du marché. Les moines de la Chartreuse de Jerez, par exemple, protestent contre la coutume qu’ont les habitants de s’emparer des taureaux qu’ils gardent pour la reproduction pour célébrer des fêtes populaires. Dans d’autres cas, la fourniture de taureaux fait partie des clauses des contrats d’afferme des abattoirs ou des biens communaux par lesquels les municipalités obligent les fermiers à en fournir un certain nombre chaque année pour les fêtes de la localité. La pénurie de taureaux et la prolifération de ce type de fêtes obligent les villes, comme Cordoue ou Grenade, à envoyer des commissaires dans des villages plus ou moins éloignés, en quête d’animaux pour les fêtes. 
 
C’est le cas aussi de la Real Maestranza de Caballería de Séville dans la première moitié du XVIIIe siècle, face à la déficience de ses fournisseurs habituels, qui est obligée d’agir de même durant certaines années.
 
Au XVIIIe siècle, a lieu l’institutionnalisation des fêtes taurines et apparaît la corrida comme nous la connaissons aujourd’hui. À cette époque, coexistent trois tauromachies distinctes. 
 
D’une part, la tauromachie nobiliaire qui est sur le déclin et qui disparut alors. La corrida à cheval actuelle (rejoneo) n’est d’ailleurs qu’une reprise des anciens « jeux de taureaux et lances » de la noblesse. Les spectacles populaires avec des taureaux furent relégués dans les zones rurales, où ils ont survécu de manière un peu marginale, et connaissent même aujourd’hui un regain de popularité. 
 
C’est au XVIIIe siècle précisément qu’apparut le toreo à pied et que fut réglementée la corrida de taureaux qui remplaça les anciennes fêtes. 
 
Ces changements eurent une influence importante sur l’élevage de ces animaux. La tauromachie nobiliaire comme la populaire n’exigeaient pas un type précis de taureau, tous pouvant être utilisés. Mais la célébration de la corrida dans une enceinte fermée, à laquelle on ne peut accéder qu’en payant, où l’animal est soumis à un rituel institutionnalisé, requiert des taureaux de certaines caractéristiques qui ne peuvent être obtenues que par la pratique de la sélection, ce qui implique une plus grande spécialisation des éleveurs.
 
La réglementation de la corrida a été rendue possible grâce à la régulation des dates des fêtes taurines, qui abandonnent le caractère ponctuel qui était le leur auparavant et qui commencent à être célébrées de manière régulière dans chaque localité à une date précise. Cela entraîna la régularisation de la demande et permit le développement de l’offre d’animaux de la part de certains éleveurs de plus en plus intéressés par cette activité. 
 
En même temps, certaines institutions obtenaient des licences royales pour célébrer des corridas ; tel est le cas des Maestranzas de Séville en 1729 et de Ronda en 1739 ou de quelques hôpitaux.
 
Cette continuité dans la célébration des spectacles taurins et le caractère exclusif que conféraient à ces institutions les licences royales, les conduisirent à édifier les premières arènes permanentes qui commencèrent alors à faire partie du paysage des villes espagnoles.
 
(Photo Turismo Provincia de Sevilla - A suivre…)